Ouvrir grand l’horizon des luttes féministes
S’il faut s’assurer que la loi Veil ne pourra pas être abolie un jour, elle sera d’autant plus garantie en étant associée à d’autres droits dont la reconnaissance et la préservation doivent figurer dans la Constitution.
dans l’hebdo N° 1748 Acheter ce numéro
En bon opportuniste, Emmanuel Macron compte préempter ce 8 mars, car il se résout enfin à célébrer Gisèle Halimi, brillante avocate et militante inflexible. Mais saura-t-il rappeler qu’elle a défendu et Djamila Boupacha, pour son combat anticolonial, et Marie-Claire Chevalier, pour son droit à avorter ?
Reconnaîtra-t-il en elles, l’une torturée, l’autre violée, la plénitude des droits de chaque femme, où qu’elle soit, à disposer de son corps et de sa vie ? Cela conférerait une portée inédite à des luttes situées, les reliant à celles que portent tant de femmes sur notre planète.
Pourtant, au regard des innombrables luttes déployées ces dernières années et des répressions les visant, une occasion a été manquée lorsque, réagissant à l’annulation par la Cour suprême des États-Unis de l’arrêt « Roe vs Wade », autorisant l’avortement depuis un demi-siècle, des voix se sont élevées – et ont été entendues – en faveur de la constitutionnalisation du droit à l’avortement en France.
S’il faut s’assurer que la loi Veil ne pourra pas être abolie un jour par un gouvernement réactionnaire, voire fasciste, elle sera d’autant plus garantie en étant associée à d’autres droits dont la reconnaissance et la préservation doivent figurer dans la Constitution. Le temps est venu d’y inscrire tous les droits et/ou les libertés permettant de disposer de son corps et d’en protéger l’intégrité, où qu’ils s’expriment.
Comment expliquer que les forces féministes en France n’aient pas plaidé pour faire inscrire dans la Constitution que tout ce qui concourt à assurer la liberté de choix des personnes ?
Affirmer le respect des droits et libertés attachés aux corps vaut pour l’IVG, mais aussi fait droit aux transitions de genre, aux décisions en matière de fin de vie, à la libre circulation des personnes, admet des choix minoritaires souvent décriés, comme le port du burkini ou du voile.
Comment s’expliquer qu’au regard du contraste entre, par exemple, la légalisation de l’avortement en Argentine et au Mexique, l’accompagnement de la transition de genre en Espagne, le soulèvement en Iran du peuple contre un État oppresseur, la résistance à la négrophobie d’État en Tunisie, d’une part, et la victoire du patriarcat que marque le recul états-unien, d’autre part, les forces féministes en France n’aient pas plaidé pour faire inscrire dans la Constitution que tout ce qui concourt à assurer la liberté de choix des personnes dans leur vie et leur mode de vie relève du bien commun ?
Une telle constitution française aurait un écho au-delà de son strict périmètre national. Si cette conception du droit semble fantaisiste ou irréaliste, elle s’applique pourtant déjà pour traiter de situations d’urgence climatique.
Ainsi, la reconnaissance d’une personnalité juridique à des fleuves ou des forêts exige de dépasser les frontières nationales pour assurer leur protection. Elle abolit la hiérarchie artificielle entre humain et non-humain et établit une symétrie des droits entre toutes les entités vivantes. Une telle révolution vaut bien qu’on s’inspire d’un écoféminisme qui a déjà démontré sa puissance d’agir sous d’autres latitudes. Et invite à penser une tout autre constitution dès maintenant !
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