Une toutes les onze minutes
La pandémie mondiale de féminicides doit être dénoncée, partout et toujours, avec la plus grande vigueur. Dans ce cadre, il faut saluer l’initiative de la journaliste franco-marocaine Camélia Echchihab, qui a lancé fin 2022 le hashtag #StopFéminicidesMaroc.
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Dans un entretien du 13 mars 2022 accordé à L’Obs, nous mettions l’accent, avec la chercheuse féministe Silvia Federici, sur la pandémie mondiale de féminicides et sur la nécessité de la dénoncer, partout et toujours, avec la plus grande vigueur (1).
« Il nous faut, toujours et encore, dénoncer la pandémie mondiale de féminicides », nouvelobs.com, 13 mars 2022.
Cette volonté, qui nous habite toutes les deux puissamment, a d’ailleurs valeur d’urgence tant la tragédie qui se joue est abyssale. Selon l’Office des Nations unies contre les drogues et le crime (ONUDC), 47 000 femmes et filles dans le monde ont été tuées par leur partenaire intime ou un membre de leur famille en 2020 : une toutes les onze minutes (2).
Organisation mondiale de la santé et Organisation panaméricaine de la santé, « Comprendre et lutter contre la violence à l’égard des femmes : la violence exercée par un partenaire intime », 2012.
Partout sur la planète et singulièrement en Amérique centrale et du Sud, depuis le début des années 1990 au moins, la violence féminicidaire a fait l’objet, essentiellement grâce aux chercheuses et militantes féministes, d’éclairages nourris et de luttes constantes.
Je pense tout particulièrement au travail mené par les Mexicaines, et notamment à Marcela Lagarde, à qui nous devons le concept même de féminicide. Ce travail colossal permettant de documenter et d’analyser le crime à l’œuvre essaime maintenant sur les cinq continents, des initiatives voyant le jour partout sur la planète.
Nommer le crime, c’est le faire exister.
L’une des dernières en date est celle de la journaliste franco-marocaine Camélia Echchihab, qui a lancé fin 2022 le hashtag #StopFéminicidesMaroc. Il a permis de recenser 22 meurtres de femmes parce qu’elles sont des femmes, dans le pays, durant cette même année.
Ce n’est pas la première initiative de ce type au Maghreb : le site Féminicides Algérie a été créé en 2019 par les militantes féministes Narimene Mouaci Bahi et Wiame Awres, et son travail de veille et de référencement des victimes a permis les premiers dénombrements de féminicides : pour mémoire, au moins 38 Algériennes ont ainsi été assassinées en 2022 (3).
ActuElles, « Féminicides en Algérie : une lente prise de conscience », france24.com, 28 mai 2021. Voir aussi le site Féminicides Algérie.
La naissance de #StopFéminicidesMaroc n’en est pas moins une excellente nouvelle pour les droits des femmes dans cette partie du continent africain. Au Maroc, depuis le début 2023, Camélia Echchihab a recensé 6 cas de féminicides (5 en janvier, un en février). Le 4 janvier, dans la ville de Tanger (au nord du pays), un homme a ainsi égorgé son épouse sous les yeux de leurs quatre enfants.
Nommer le crime, c’est le faire exister. Faire remonter les informations, c’est lutter contre la banalisation de ces meurtres, contre l’impunité trop souvent accordée aux féminicidaires et contre la silenciation des victimes. Nous ne pouvons pas faire moins.
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