Banalisation de la violence

Le pouvoir se montre de plus en plus violent envers la contestation contre sa réforme des retraites. Les victimes de cet engrenage dangereux contre-attaquent. Politis a réuni une vingtaine d’entre elles pour les faire témoigner.

Pierre Jacquemain  • 5 avril 2023
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Banalisation de la violence
© Création : Vanessa Martineau.

« La répression des contestations écologiques, sociales et démocratiques a atteint un niveau rare, inédit depuis soixante ans et la guerre d’Algérie. À l’heure où les urgences sociales et climatiques se font plus pressantes, et poussent à multiplier des actions qui réveillent, les gouvernements récents banalisent la violence d’État. »

Ainsi commençait la tribune de 211 personnalités civiles et politiques, d’Annie Ernaux à Ariane Ascaride en passant par Rokhaya Diallo ou Étienne Balibar, qui appelaient à « défendre nos droits partout », en janvier dernier.

Trois mois plus tard, alors que la mobilisation contre la réforme des retraites ne faiblit pas, la mécanique de la violence – matraques, insultes, intimidations, humiliations, arrestations et détentions arbitraires – s’installe dans l’espace public et s’intensifie jusqu’à ce que les gueules abîmées, les bras cassés, les yeux au beurre noir ou les traumatismes crâniens deviennent les images normales, banales, des mobilisations.

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Une centaine de victimes ont décidé de déposer une plainte au tribunal pour « atteinte arbitraire à la liberté individuelle » et « entrave à la liberté de manifester ». Leurs avocats, réunis dans le cadre d’un collectif – nous avons pu interroger l’une d’eux –, estiment que les plaignants ont été victimes d’arrestations et de détentions arbitraires visant à les dissuader d’exercer leur droit de manifester et à casser le mouvement social. Dans quelle démocratie intimide-t-on, réprime-t-on, enferme-t-on ses adversaires politiques ? Même l’Europe et l’ONU interrogent cet usage disproportionné de la violence.

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Nous avons réuni, à Politis, une vingtaine de ces victimes pour recueillir leurs témoignages et échanger collectivement. Au-delà des violences physiques, c’est aussi le choc, le poids psychologique des heures passées en garde à vue, des insultes et des menaces des forces de l’ordre qui ne cessent de hanter leurs esprits. Cette violence se retourne, parfois, contre les représentants d’un pouvoir sourd.

Même l’Europe et l’ONU interrogent cet usage disproportionné de la violence.

Un pouvoir qui ne se rend même pas compte que la première des violences, celle qui a enflammé le mouvement social, émane de l’autoritarisme présidentiel et d’un anachronisme institutionnel consistant à brandir un article de la Constitution, seul contre tous. Une violence d’État qui ne laisse, parfois, d’autre choix que de recourir à la violence. Par deux reprises, Macron a d’ailleurs fait la démonstration que c’était la seule voix pour se faire entendre. Attention, danger !

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