En Israël, l’OAS est au pouvoir
En donnant l’ordre à la police de pénétrer dans la mosquée Al-Aqsa, haut lieu de l’islam, en plein ramadan, Benyamin Netanyahou pensait plaire à son indocile partenaire Ben Gvir et dissuader les opposants à sa réforme de la justice. Doublement raté.
dans l’hebdo N° 1753 Acheter ce numéro
On a beau avoir en horreur le complotisme qui nie la part du hasard et de l’irrationnel dans l’histoire, on ne peut que souligner la concomitance des événements. L’assaut donné, le 5 avril, par la police israélienne, à l’intérieur de la mosquée Al-Aqsa de Jérusalem, est intervenu à point nommé, tandis que le gouvernement israélien est plongé dans une crise sans précédent.
Faire couler le sang pour sauver son pouvoir n’a jamais fait peur à Netanyahou. Une semaine plus tôt, il avait été contraint d’annoncer une « pause » pour sa réforme qui a fait se dresser des centaines de milliers d’Israéliens. Et, plus que jamais, il était dans la main du suprémaciste juif Itamar Ben Gvir, qui menaçait de faire tomber le gouvernement en lui retirant le soutien de ses six députés.
Cela alors que les sondages prédisent un effondrement de la coalition en cas d’élections anticipées. Donner l’ordre à la police de pénétrer dans la mosquée Al-Aqsa, haut lieu de l’islam, en plein ramadan, c’était la certitude de plaire à son indocile partenaire, et de créer un climat d’insécurité de nature à dissuader les opposants à sa réforme de redescendre dans la rue. En 1996 déjà, dans la même zone névralgique, il avait donné l’ordre de creuser un tunnel le long de l’esplanade des Mosquées. La provocation avait fait 80 morts dans la population palestinienne.
Cette fois, les images de fidèles frappés avec une violence inouïe à l’intérieur de la mosquée ont circulé à la vitesse des réseaux sociaux. Le lendemain, des roquettes s’abattaient sur le sol israélien depuis Gaza. D’autres provenaient du Liban, et même de Syrie. Les capitales arabes sortaient de leur torpeur pour émettre des protestations dont elles avaient perdu l’habitude. Puis, selon un scénario bien connu, l’aviation israélienne bombardait Gaza et le sud-Liban.
Dans le même temps, trois Israéliennes étaient assassinées sur une route de Cisjordanie, et un touriste italien succombait à Tel-Aviv, à la suite d’un attentat à la voiture-bélier. Netanyahou mobilisait les réservistes pour faire face à cette « vague de terrorisme ». Le lexique israélien envahissait de nouveau nos médias : « représailles », « terrorisme ».
La partie de l’opinion encore progressiste d’Israël ne peut plus ignorer que tout part de la question palestinienne, et tout y ramène.
Netanyahou, le cynique, pouvait espérer avoir brisé le mouvement de protestation contre sa réforme. Peine perdue ! Le 8 avril, 250 000 Israéliens marchaient de nouveau dans Tel-Aviv, et des dizaines de milliers dans Jérusalem et Haïfa, pour exiger le retrait définitif du projet liberticide.
La colère était plus forte que la peur. Et l’échec de Netanyahou était double. Il avait cru circonvenir Ben Gvir en annonçant la création d’une garde nationale à sa dévotion, aux allures de milice factieuse. En vain. Il lui a donné une main, l’autre veut le bras. Le 10 avril, Ben Gvir et sept ministres du gouvernement ont organisé, sous protection de l’armée, une marche de 11 000 de leurs partisans pour imposer la légalisation de la colonie sauvage d’Evyatar, près de Naplouse.
Dans notre mémoire collective, cela rappelle fortement les factieux de l’OAS, à la fin de la guerre d’Algérie. À cela près qu’en Israël, il n’y a pas de De Gaulle, et que l’OAS est au pouvoir. Il faut maintenant espérer que le mouvement massif, qui ne faiblit pas dans les grandes villes israéliennes, pose la question palestinienne – pour l’instant peu présente. C’est à ce prix que les manifestants pourront vraiment « sauver la démocratie », puisque tel est le principal mot d’ordre qui jaillit des cortèges.
En scandant un nouveau slogan, « Netanyahou nous mène à la guerre », ils s’en rapprochent. La réforme qu’ils combattent et qui vise à affaiblir la Cour suprême au profit d’un exécutif tout-puissant a pour objectif l’annexion des territoires palestiniens. Soit la promesse d’un déchaînement de violence. S’ils n’ont pas « leur » loi, Ben Gvir et ses amis agiront toujours plus par la force. La partie de l’opinion encore progressiste d’Israël ne peut plus ignorer que tout part de la question palestinienne, et tout y ramène.
Il faut aussi se demander jusqu’à quand les capitales occidentales vont continuer à soutenir, non plus seulement Netanyahou, mais Ben Gvir, le premier n’étant plus que l’ombre du second. Joe Biden manifeste sa mauvaise humeur en refusant de recevoir le Premier ministre israélien. Emmanuel Macron, lui, l’a reçu récemment, toute honte bue. Et, seule la France a accueilli l’autre figure de proue des extrémistes, Bezalel Smotrich, qui a pu à loisir, depuis Paris, nier l’existence des Palestiniens.
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