Et maintenant, la grève générale !
Après la décision du Conseil constitutionnel de valider la réforme des retraites, la bataille politique continue. Seule une France à l’arrêt, vraiment et longtemps s’il le faut, pourrait influer le cours de l’histoire.
La décision est tombée. Le Conseil constitutionnel vient de valider la quasi-totalité de la réforme d’Emmanuel Macron, donc de confirmer le caractère constitutionnel d’un texte qui reporte l’âge légal de départ à la retraite de 62 à 64 ans. Des heures, des jours, des semaines, des mois de mobilisations et de grèves n’y auront rien changé.
C’était le piège. Tout le monde avait les yeux rivés sur une décision juridique, de la plus haute juridiction française. Une décision qui aurait pu tout aussi bien provoquer des liesses de joies dans les rues de France tout comme elle aurait pu – et c’est ce qu’elle a fait – accompagner l’entêtement d’un pouvoir isolé contre son peuple – renforçant plus encore l’image d’une élite déconnectée des réalités et des aspirations de l’écrasante majorité des Français.
L’annonce d’une possible promulgation imminente pourrait remettre le feu aux poudres.
La place centrale qu’a prise le Conseil constitutionnel dans la bataille des retraites, alors qu’une douzième journée de mobilisation se faisait jour hier, était sans doute la principale erreur. Ce soir, l’échéance était à double tranchant. Tout le monde s’en remettait à cette décision – médias, politiques, syndicats –, oubliant parfois que les raisons de l’opposition à la réforme n’étaient pas d’ordre juridiques mais politiques.
Il ne s’agit donc pour personne, ce soir, de contester la décision de Laurent Fabius, le président du Conseil constitutionnel et de ses huit autres collègues. Il s’agit d’ouvrir une nouvelle page de la mobilisation sociale. Une mobilisation qui dépendra du maintien ou non de l’unité syndicale – dont l’expression les jours prochains sera évidemment scrutée de près. Ce soir, elle affiche à nouveau son unité dans un communiqué et appelle à une « mobilisation exceptionnelle » le 1er mai.
Il y a une autre mauvaise nouvelle ce soir : le rejet par le Conseil constitutionnel de l’organisation d’un référendum d’initiative partagée (RIP) – demande déposée par la gauche. Une gauche qui ne perd pas espoir d’obtenir son RIP, puisqu’une nouvelle demande a été déposée auprès des Sages, qui devront se prononcer dans les prochaines semaines.
Que va-t-il se passer à présent ? L’exécutif veut aller vite pour mieux tourner la page. Il pourrait décider de promulguer la loi dans les 48 heures – il a jusqu’à deux semaines selon la loi. Ce serait une provocation. Irresponsable ! Déjà, après l’usage du 49-3, le durcissement de la mobilisation n’avait pas tardé. Cette fois, l’annonce de la « fin du cheminement démocratique » avec une possible promulgation imminente pourrait remettre le feu aux poudres.
Avec le rejet massif, par les Français.es, du contenu de cette réforme et la fracture démocratique qui s’intensifie chaque jour toujours plus, le gouvernement prendrait un risque majeur à rester sourd devant la colère qui s’exprime partout. La colère est légitime. Ce soir, elle l’est plus encore. Sans doute va-t-elle s’exprimer librement, spontanément, ce soir, demain et les autres jours – par-delà les appels de l’intersyndicale.
La gauche doit être en capacité de parler d’une seule voix.
La gauche doit être au rendez-vous de ce moment inédit. Elle ne peut laisser à Marine Le Pen les fruits du ressentiment. La gauche sociale, politique, intellectuelle doit être en capacité de parler d’une seule voix : elle doit ouvrir la voie d’une perspective immédiate. En l’état, seule la grève générale, la France à l’arrêt, vraiment et longtemps s’il le faut, pourrait influer le cours de l’histoire.
« Ni vainqueur, ni vaincu », assure ce soir la Première ministre Élisabeth Borne sur Twitter pour apaiser les esprits. Elle n’a pas tort. Parce que la bataille est loin d’être terminée…
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