Leçons de la crise bancaire
La crise bancaire, avec en son cœur Credit Suisse, remet à l’ordre du jour une réforme impérative que le lobby bancaire a réussi à empêcher jusqu’ici : le démantèlement des grandes banques systémiques.
dans l’hebdo N° 1753 Acheter ce numéro
Quinze ans après la crise financière de 2008, le système bancaire international s’est à nouveau trouvé au bord du gouffre en mars 2023. La crise a été déclenchée à la suite de l’effondrement de la Silicon Valley Bank (SVB) aux États-Unis puis de Credit Suisse, fragilisés par une mauvaise gestion et des pertes liées à la hausse brutale des taux d’intérêt décidée par les banques centrales pour lutter contre l’inflation.
Ces deux banques ont été victimes d’un mouvement de panique, provoquant un retrait d’argent massif de la part de leurs clients. Les autorités monétaires ont été amenées à fermer SVB par crainte d’une contagion à l’ensemble du système bancaire, mobilisant ainsi 160 milliards de dollars pour répondre aux besoins d’autres banques pour rassurer leurs déposants. De leur côté, les autorités monétaires helvétiques ont octroyé un prêt massif de 50 milliards de francs suisses.
Plusieurs leçons doivent être tirées de cette nouvelle crise. Tout d’abord, elle met en évidence la responsabilité des autorités monétaires. Leur décision de durcir la politique monétaire en vue d’endiguer l’inflation était un choix contestable pour deux raisons.
En premier lieu, les causes de l’inflation récente ne sont pas monétaires, mais structurelles : crise de l’énergie, guerre en Ukraine, augmentation des prix par les entreprises pour maintenir, voire augmenter, leurs marges, etc.
Cette crise est loin d’être réglée et pourrait se répéter. Car la réglementation demeure insuffisante.
En second lieu, il était prévisible que la hausse des taux se traduise par de l’instabilité sur les marchés financiers ; d’autant que ceux-ci avaient été alimentés par une création massive de liquidités orchestrée par les banques centrales pour faire face aux crises financière et sanitaire. Ainsi, comme lors de la crise de 2008, les autorités monétaires ont sous-estimé l’influence de la politique monétaire sur la stabilité financière (1).
Les Banques centrales, apprentis sorciers à la manœuvre, « Les partis pris de la Fondation Copernic », Éditions du Croquant, 2023.
Cette crise est loin d’être réglée et pourrait se répéter. Car la réglementation demeure insuffisante. Les réformes destinées à encadrer les banques, à la suite de la crise de 2008, tardent à être appliquées. Et les décisions récentes destinées à sauver celles en difficulté ont aggravé la situation. Ainsi, le rachat de Credit Suisse en faillite par UBS a accru la taille de cette dernière, considérée comme « systémique », c’est-à-dire susceptible de provoquer une crise du système bancaire.
Cette crise remet à l’ordre du jour une réforme impérative que le lobby bancaire a réussi à empêcher jusqu’ici : le démantèlement des grandes banques systémiques, avec la séparation des banques de détail et de marché, seule mesure susceptible de réduire la taille excessive des banques et de protéger leurs clients.
Enfin, les milliards apportés en urgence par les banques centrales pour secourir les banques en difficulté posent question. Pourquoi les banques centrales ne mobilisent-elles pas aussi promptement de tels moyens pour faire face à d’autres urgences, à commencer par le climat ?
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