Où se soulève la Terre

La pratique macroniste du pouvoir n’est plus seulement orwellienne, elle est aussi fascistoïde. Comment allons-nous résister ?

Sébastien Fontenelle  • 12 avril 2023
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Où se soulève la Terre
Manifestation contre la réforme des retraites, à Paris, le 20 mars 2023.
© Lily Chavance.

Laurent Nuñez, préfet de police de Paris, était l’autre soir l’invité d’une émission de France 2 (1) consacrée au « maintien de l’ordre », à laquelle nous pourrions évidemment trouver à redire (2), mais qui avait du moins le grand mérite qu’elle montrait pour ce qu’elles sont les violences policières que nous inflige le macronisme. Ce fut saisissant – et complètement glaçant.

Confronté notamment aux images, accablantes, d’un policier d’une Brav-M roulant délibérément sur la jambe d’un manifestant pacifique, cet éminent serviteur de l’État, distingué représentant de l’espèce qui obéit aux ordres, a purement et simplement nié la réalité de cette exaction, pour proférer plutôt que le fonctionnaire en question réfutait l’avoir perpétrée (3), et qu’il souhaitait quant à lui plus d’informations sur « le contexte ». (Car selon cet excellent homme, il y a donc, semble-t-il, des circonstances où de tels dérèglements pourraient être justifiés.)

Ce déni survenait après beaucoup d’autres, et au mitan d’une séquence, ultra-violente, où le chef de l’État français venait par exemple de décréter, après avoir imposé contre le Parlement une réforme scélérate et réprimé dans le sang les citoyen·nes mobilisé·es contre ce coup de force, qu’il ne voyait nulle part de « crise démocratique ».

Le pouvoir macroniste, lorsqu’il se trouve confronté aux preuves filmées qu’il règne par le mensonge et la violence, nie la réalité.

Nous voici donc rendu·es, collectivement, à ce moment discrètement vertigineux et quelque peu tétanisant où le pouvoir macroniste, lorsqu’il se trouve confronté aux preuves filmées qu’il règne par le mensonge et la violence, nie désormais la réalité même de ces preuves, en mode : « Vous m’expliquez depuis Soyouz que la Terre est ronde, mais j’aimerais en savoir un peu plus sur le contexte avant de vous laisser dire qu’elle n’est pas plate. » (Pour ce qu’on en sait : même Donald J. Trump, qui s’y connaît pourtant un peu en falsifications, n’est jamais allé aussi loin dans sa négation d’une évidence factuelle vérifiable par tou·tes.)

Sur le même sujet : « Nous sommes dans un continuum répressif »

À ce niveau-là, disons-le très distinctement, la pratique macroniste du pouvoir n’est plus seulement orwellienne : elle est, par maints aspects – qui vont du piétinement des contre-pouvoirs à la libération, dans les champs et les villes, d’une férocité policière que plus rien ne contient –, fascistoïde. Et cela, évidemment, nous oblige, en nous confrontant à des questions auxquelles nous allons devoir – collectivement, là encore – apporter vitement une réponse, car il y va de nos existences.

Comme celles-ci, par exemple : à quel moment allons-nous prendre acte de l’instauration de ce qu’il faut bien appeler un absolutisme – et de quelle manière allons-nous résister, ici, à un autoritarisme qui, lorsque nous le voyons à l’œuvre ailleurs dans le monde, nous fait soutenir tous les soulèvements de la Terre ?


(1) « Complément d’enquête », 6 avril 2023.
(2) Et qui n’évitait notamment pas l’écueil d’une adoption franche et massive du vocabulaire imposé par les autorités quand les casseurs de démocratie fanatisés de l’Élysée et du ministre de l’Intérieur installent dans l’opinion l’idée mensongère selon laquelle les « casseurs » sont les manifestant·es qui protestent contre leurs menées mortifères.
(3) En dépit du fait qu’elle avait donc été intégralement filmée.

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De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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