« Relaxe » : légitime défense

Audrey Ginestet filme une prévenue du prétendu « groupe de Tarnac » avant son procès.

Christophe Kantcheff  • 4 avril 2023 abonnés
« Relaxe » : légitime défense
Une existence qui éloigne toute représentation fantasmée d’activisme clandestin.
© Deuxième ligne.

Relaxe / Audrey Ginestet / 1 h 32.

L’affaire du « groupe de Tarnac » a commencé en novembre 2008, quand ses supposés membres sont soupçonnés d’acte « terroriste » : ils auraient posé des crochets pour saboter des lignes de TGV. Il a fallu dix ans pour que la procédure judiciaire arrive à son terme, l’accusation de terrorisme ayant été abandonnée peu de temps auparavant. En définitive, tous seront relaxés. D’où le titre du documentaire d’Audrey Ginestet, Relaxe. Mais le film n’a en aucun cas la forme classique d’un suivi chronologique de l’affaire.

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Parce qu’elle est proche d’elle, la cinéaste a choisi de filmer l’une des prévenues, jamais médiatisée jusqu’alors : Manon Glibert. On suit la jeune femme, mère de deux jeunes enfants, dans ses activités quotidiennes à Tarnac, au sein du bar associatif dont elle s’occupe, où elle prodigue des conseils aux demandeurs d’asile, anime des goûters avec des enfants du village, mais aussi lors de répétitions avec son groupe de musique…

Une existence qui éloigne toute représentation fantasmée d’activisme clandestin. La cinéaste a aussi proposé à Manon Glibert, et à deux autres prévenus, Benjamin Rosoux et Yldune Lévy, de filmer leur préparation au procès. Ce sont des séances d’entraînement collectif afin de s’approprier le langage idoine et de déterminer la bonne stratégie pour répondre à la justice. La caméra n’est pas un juge, mais elle contribue à formaliser ces séances.

Personne ici n’a de formation juridique. Les amies de Manon qui s’adonnent à ce travail le font sérieusement, gardant une nécessaire distance « professionnelle » quand il s’agit d’interroger les accusés. Nous ne sommes pas au tribunal, et ce que diront Manon, Benjamin et Yldune devant la cour qui les jugera sera forcément un peu différent. Mais Relaxe fait tout de même entendre le mode de défense qui sera le leur.

Or, malgré la machine judiciaire antiterroriste qui pendant des années les a persécutés, leur attitude et leurs propos restent puissamment politiques. Quant aux blessures psychologiques et intimes, elles éclatent soudain quand Manon Glibert lit sa déclaration liminaire, qui retrace les dix années qu’elle vient de subir : l’émotion, soudain, submerge l’écran. On songe alors aux premières images montrant la ministre de l’Intérieur de l’époque évoquer des « individus violents de l’ultragauche »

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Cinéma
Temps de lecture : 2 minutes