Un pays mûr pour le fascisme
TRIBUNE. Mépris de la démocratie, arrogance du pouvoir, répression violente des mouvements sociaux : la régence macroniste arrogante et brutale entretient la flamme d’extrême droite, prête à brûler ce pays malade.
Les signes s’accumulent. Pris séparément, ils ne disent peut-être pas grand-chose. Isolés les uns des autres, ils peuvent ressembler à de simples errements inoffensifs, ou à une phase un peu compliquée dont nous finirons bien par sortir – si possible par le haut. Mais quand les signes s’accumulent aussi vite, aussi nombreux et dans un enchaînement aussi net, la tempérance naïve doit laisser place au doute conscient.
Cela n’est pas probablement pas un hasard, si la Ligue des droits de l’homme se trouve désormais sous le feu de critiques pétainistes, de la Macronie jusqu’à la droite de l’échiquier politique. Qu’une association qui lutte pour (et excusez du peu) l’un des piliers fondamentaux de la fondation de la République dans ce pays, suscite la suspicion et des procès d’intention iniques, ceci devrait inquiéter tout le monde.
Cela n’est probablement pas non plus un hasard, si un fonds appelé Marianne (encore un symbole républicain), conçu après l’effroyable assassinat de Samuel Paty, a été détourné pour contrer les adversaires politiques d’un pouvoir aux abois. Que l’on piétine un mort, que l’on profane sa mémoire en utilisant les valeurs républicaines comme paravent des plus abjectes magouilles antidémocratiques, cela devrait inquiéter tout le monde.
Cela n’est probablement pas dû au hasard, si la doctrine du fameux maintien de l’ordre à la française se retrouve sous le feu des critiques, y compris au niveau international, de l’Organisation des Nations Unies jusqu’au Conseil de l’Europe, en passant par de nombreuses associations. Que l’on s’habitue à l’irruption de la violence gratuite au sein de forces censées protéger les citoyens au lieu de les agresser, de les blesser ou de les assassiner, voilà qui devrait inquiéter tout le monde.
Cela n’est certainement pas un hasard, si l’exercice du pouvoir de l’élite en place se fait avec tant d’autoritarisme, tant de mépris pour le fonctionnement démocratique, à l’heure où ce pays a plus que jamais montré qu’il souhaitait renouveler avec une participation plus directe et une implication plus nette. Qu’une élite dirigeante ferme toute fenêtre démocratique en dehors du cadre électoral, et exige de nous allégeance et silence pendant l’exercice du mandat, voilà qui devrait être de nature à nous inquiéter.
Exige de nous allégeance et silence pendant l’exercice du mandat, voilà qui doit nous inquiéter.
Le fait est que la concaténation de ces éléments, et d’autres encore à venir, s’est effectuée dans un laps de temps relativement court. Et tandis que le président de la République, garant de la concorde et de la paix sociale, dissimule mal son égocentrique bouillie néolibérale derrière des petites phrases assassines qui trahissent la brutalité proto-managériale de son règne dirigiste, c’est tout un pays qui est en train de sombrer.
Le mouvement est enclenché désormais. La spirale est en train d’entraîner tout le monde, dans un brouillage de repères qui fascine autant qu’il effraie. Face à une droite qui fait bloc dans une logique de classe totalement assumée, des pans entiers de la gauche s’étiolent et s’égarent, qui en réhabilitant un député condamné pour violences sur sa femme, qui en utilisant le bouc-émissaire de la migration pour tenter de répondre à la colère sociale.
Un seul camp se tait, observe et attend. Ce camp, c’est celui de l’extrême-droite, dont l’élite macroniste semble préparer très consciencieusement l’accès au pouvoir, dans une application quasi religieuse qui glace le sang. Le fruit est mûr. Irrigué par un profond désaveu démocratique, nourri par une défiance envers les institutions et les partis, gorgé par le soleil brûlant de la révolte sourde. Le fruit est mûr, et tout semble réuni pour que, tôt ou tard, il tombe dans les mains d’un camp bien décidé à ne pas le laisser s’écraser au sol.
Un seul camp se tait, observe et attend. Ce camp, c’est celui de l’extrême-droite.
On peut l’appeler autoritarisme ou illibéralisme, pour faire moins peur et plus joli ou donner l’illusion que la démocratie ne sera pas saccagée. Evidemment, cette spirale de petits glissements successifs n’a rien à voir avec le fascisme des années 30, tel que l’on se le représente. L’époque a changé, et avec elle les outils utilisables pour servir les pires dérives.
Après une régence macroniste arrogante et brutale, sauf sursaut épidermique et salvateur que l’histoire sait parfois réserver aux périodes les plus ténébreuses, notre pays a tout ce qu’il faut pour basculer. Comme lorsqu’un gaz inodore et dangereux remplit une pièce, en attente de l’étincelle qui fera tout exploser, le fascisme du XXIe siècle n’attend qu’une petite flamme pour conquérir ce pays malade, intoxiqué, miné par les inégalités et fracturé par de nombreux ressentiments.
Le fascisme du XXIe siècle n’attend qu’une petite flamme pour conquérir ce pays malade.
Alors que la France s’apprête à accueillir la flamme olympique, c’est une autre flamme qui risque d’être allumée pour les années à venir. Il n’y a plus de boussole, plus de foi en ce que la démocratie pourrait apporter de bon, peut-être plus assez de solidarité pour que ce peuple se réveille et révèle ce qu’il a de meilleur en lui.
Nous avons réussi à enfanter de la République après l’injustice de la monarchie ; ne laissons pas la Macronie de droit divin achever de corrompre la République, pour la transformer en une sombre caricature d’elle-même, capable d’une terreur qui n’aura jamais qu’un seul objectif : maintenir au pouvoir une classe sociale qui sait où sont ses intérêts et comment les conserver, quitte à détruire ce qu’il reste de notre démocratie.
Des contributions pour alimenter le débat, au sein de la gauche ou plus largement, et pour donner de l’écho à des mobilisations. Ces textes ne reflètent pas nécessairement la position de la rédaction.
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