« Aussi librement que les bisons »

Trois conseils de lecture, pour l’été qui vient : La Monture de Carole Emshwiller, Le Silence des repentis de Kimi Cunningham Grant et Trop loin de Dieu de Kim Zupan.

Sébastien Fontenelle  • 10 mai 2023
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« Aussi librement que les bisons »
© Alexander Grey / Unsplash.

Et revoici quelques livres, car le moment est venu, pour qui peut ou veut (1), de commencer à préparer des lectures pour l’été qui vient. 

1

Comme toujours : certains de ces ouvrages sont au format de poche, et par conséquent plus abordables.

Dans La Monture (2), impressionnante méditation romanesque sur la domination – des maîtres sur les esclaves, des humains sur les autres animaux, des adultes sur les enfants, des hommes sur les femmes –, la romancière états-unienne Carol Emshwiller (1921-2019), que l’immense autrice Ursula K. Le Guin (3) tenait pour « l’une des voix féministes les plus fortes, les plus complexes et les plus convaincantes de la littérature contemporaine », raconte la Terre après qu’elle a été colonisée par les Hoots : des extraterrestres doucereux dont les humain·es sont devenu·es les montures, exactement comme les chevaux sont aujourd’hui, hélas, celles de certain·es d’entre nous.

2

La Monture, Carole Emshwiller, traduit de l’américain par Patrick Dechesne, J’ai lu, 287 pages, 8,40 euros.

Charley, jeune « monture » vouée au service de son « Petit-Maître » – lequel est quant à lui promis, parmi les sien·nes, à un prestigieux avenir –, ne questionne guère sa destinée, jusqu’à ce qu’il découvre, en même temps qu’il rencontrera son père, les « Sauvages » : des humain·es libéré·es du joug.

3

Dont il faut absolument lire au moins le prodigieux cycle de Terremer.

Le Silence des repentis (4) est un autre fort beau livre, dont l’autrice, Kimi Cunningham Grant, interroge les relations entre les adultes et les enfants – soit, ici, principalement, Cooper, vétéran d’une sale guerre yankee, et sa fille Finch, âgée de 8 ans, extraordinaire personnage. Tous deux vivent caché·es du monde, dans une cabane rustique – mais dotée d’une riche bibliothèque – du nord des Appalaches, qui leur a été prêtée par Jake.

4

Le Silence des repentis, Kimi Cunningham Grant, traduit de l’américain par Alice Delarbre, 10-18, 333 pages, 8,60 euros.

Cet ami de Cooper, tous les ans, les ravitaille : chaque 14 janvier, il leur apporte, avant que la neige n’empêche tout passage, et au prix d’un long périple, les vivres qui leur permettront, en se rationnant, de se nourrir jusqu’à son retour, 365 jours plus tard. Mais le temps passe, et Finch, affamée de nouvelles du dehors, doit se rendre à l’évidence : Jake, cette année, ne viendra pas…

Loin à l’ouest, dans le Montana, Hickney, héros mélancolique du poignant – et fort bien titré – Trop loin de Dieu (5), vit, petitement, du ramassage, sur le bord des routes, sous des chaleurs de plomb ou dans des froids terribles, des cadavres des animaux tués par les automobilistes. Il s’occupe de Jimmy, son ami d’enfance, qui a perdu ses jambes.

5

Trop loin de Dieu, Kim Zupan, traduit de l’américain par François Happe, Gallmeister, 619 pages, 26,80 euros.

Au magasin général, il aime « écouter les plus âgés parler du pays d’autrefois, encore jeune et sauvage, quand le bétail allait aussi librement que les bisons ». Quand un groupe d’hommes s’installe près de chez lui, Hickney met un peu de temps à comprendre qu’il s’agit d’une milice néonazie. Il lance au chef de cette sinistre bande : « On n’est pas en Alabama, ici. » Puis il demande, pour en finir avec ces fâcheux, l’aide d’un gang amérindien. 

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De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

Temps de lecture : 3 minutes
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