« Jeanne du Barry » : Versailles magazine
Dans Jeanne du Barry, Maïwenn retrace la vie à la cour de la favorite de Louis XV. Un film en forme de sage illustration d’un épisode people du passé.
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Jeanne du Barry / Maïwenn / 1h56.
Le peuple, c’est elle – on ne verra pas d’autre manant, hormis lors des premières minutes du film, qui résument la jeunesse de Jeanne Bécu (ou Vaubernier), future comtesse du Barry. La beauté, c’est elle : elle fait tourner la tête à tous ces grands messieurs, y compris celle du roi.
La jeunesse, c’est encore elle, même si la comédienne a 20 ans de plus que la véritable Jeanne quand celle-ci est arrivée à Versailles – mais les conventions de cinéma peuvent être acceptées quand elles sont assumées : Louis XV n’a-t-il pas l’accent américain de Johnny Depp, sans que cela soit choquant ? (Le fait que l’acteur interprète le roi comme si celui-ci était étranger aux événements explique peut-être cela).
Enfin, l’héroïne, c’est toujours elle, Maïwenn, présente dans chaque plan de ce film réalisé par Maïwenn – prenant toute la place, au point que certains comédiens, et non des moindres (Pascal Greggory), ont des rôles à peine visibles.
Jeanne du Barry a décidément tout pour plaire au souverain, outre son physique. Des manières simples et directes, un goût sûr pour ses toilettes, une vitalité rafraîchissante. Pour nous, spectateurs d’aujourd’hui, Jeanne est une femme moderne propulsée dans ce XVIIIe siècle aux courtisans jaloux, aux filles du roi stupides et dévotes, au protocole versaillais ridicule aux yeux de la nouvelle favorite.
Maïwenn n’a pas lésiné sur le beau rôle qu’elle s’est accordée. Elle est aussi une épouse utilisée : le comte du Barry (Melvil Poupeau), celui par qui elle entre dans l’aristocratie grâce à leur mariage, a profité d’elle en la prostituant. Elle est enfin une martyre, stigmatisée pour ses origines roturières, et dont la situation de favorite ne tient qu’à la volonté et à la vie du roi. De là à voir dans Jeanne du Barry une œuvre féministe, il n’y a qu’un pas que certains accompliront peut-être pour donner une dimension à ce chromo.
Car il faut le dire : ce film est une vaine enluminure, une sage illustration d’un épisode people du passé. Les jolis plans de Versailles ne compensent pas l’absence de propos sur l’époque. Le mélodrame s’emballe avec la maladie incurable de Louis XV, synonyme de répudiation prochaine de Jeanne. Le spectateur s’interroge sur les larmes qu’on tente de lui arracher quand il voit pleurer le premier valet du roi (Benjamin Lavernhe). Quitte à choisir l’agonie d’un monarque, celle de Jean-Pierre Léaud en Louis XIV dans La Mort de Louis XIV d’Albert Serra était bien plus souveraine.
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