« L’Amour et les forêts » : le piège aux sentiments (Cannes Première)
Valérie Donzelli décrit le phénomène de l’emprise avec précision.
dans l’hebdo N° 1759 Acheter ce numéro
L’Amour et les Forêts / Valérie Donzelli /1 h 45.
À l’origine, L’Amour et les Forêts, présenté dans la section Cannes Première, est un roman d’Éric Reinhardt qui rend compte de la manière dont une de ses lectrices a pris contact avec lui et lui a raconté l’emprise que son mari a exercée sur elle. L’écrivain avait eu ensuite des problèmes judiciaires à la publication, sa confidente l’accusant d’atteinte à la vie privée et de contrefaçon.
Valérie Donzelli et Audrey Diwan (L’Événement), qui ont adapté le livre à l’écran, y sont à la fois restées fidèles dans l’esprit et ont pris des libertés bienvenues. Elles ont notamment enraciné l’histoire d’amour entre Blanche (Virginie Efira) et Grégoire (Melvil Poupaud), en racontant leur rencontre, la naissance de leur histoire et la passion charnelle qu’ils vivent pleinement ensemble. Ces séquences sont déterminantes, car elles montrent d’où part une situation qui va peu à peu se retourner : vivant un immense bien-être, Blanche va se retrouver en proie à une torture permanente.
Les premiers signes apparaissent. Grégoire invente une mutation obligatoire, arrachant Blanche à la côte bretonne, à ses souvenirs et à sa famille. Il est déçu quand elle lui annonce qu’elle a trouvé un poste d’enseignante. Il ne cesse de l’appeler au point de la harceler au téléphone. Puis les choses empirent.
Métamorphose et sororité
La métamorphose (ou pas) maléfique de Grégoire survient comme une fatalité parce que le film épouse le point de vue de Blanche. Le récit est structuré en flash-back : ce que l’on voit est ce que la jeune femme raconte à son avocate (Dominique Reymond). Pour autant, Grégoire n’est pas vu comme un monstre – même si sa violence psychologique et physique est grande. Blanche est sans cesse surprise, perdue, prise au piège de la perversité de son mari, tenue aussi par leurs deux jeunes enfants. Et, malgré tout, encore amoureuse, ou du moins veut-elle croire à la persistance de cet amour.
Outre une escapade dans la forêt moyennement convaincante où Blanche rencontre, en guise d’échappatoire, un amant de passage (Bertrand Belin) contacté par Internet, elle trouve aussi sur son chemin des femmes (dont sa sœur jumelle, que Virginie Efira interprète également) qui incarnent une solidarité sororale.
Si Valérie Donzelli est précise dans la description de la mécanique de l’emprise, elle emprunte moins au film d’horreur qu’au fantastique, jouant, dans sa mise en scène, avec les ombres et les lumières, comme le faisait le maître Hitchcock dans Suspicion. Ce n’est pas là la moindre de ses qualités.
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