Le festival du court métrage de Clermont-Ferrand ; « Monster », d’Hirokazu Kore-eda (Compétition) ; « Le Retour », de Catherine Corsini (Compétition)

Les deux premiers films de la compétition ne convainquent pas.

Christophe Kantcheff  • 18 mai 2023
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Le festival du court métrage de Clermont-Ferrand ; « Monster », d’Hirokazu Kore-eda (Compétition) ; « Le Retour », de Catherine Corsini (Compétition)
"Monster", Hirokazu Kore-eda, un film qui accumule les détours inutiles et les pistes qui n’aboutissent pas.
© Monster Film Committee.

D’un grand festival à l’autre, un mot pour commencer par ce qui frappe le festival du court métrage de Clermont-Ferrand. Laurent Wauquiez a décidé d’amputer de plus de la moitié la subvention de la région qu’il préside, Auvergne-Rhône-Alpes, qui y était jusqu’à présent allouée. Elle passe ainsi de 210 000 à 100 000 euros.

Argument avancé : il faudrait « rééquilibrer le budget culturel » en faveur des zones rurales. Or, non seulement le festival du court métrage de Clermont-Ferrand a une audience nationale et internationale, mais il rayonne sur le territoire puydômois dans son entier, en organisant des actions envers tous les publics.

Laurent Wauquier, réputé pour l’exigence de ses diplômes – il est normalien, agrégé d’histoire et énarque – semble ne plus faire le lien entre culture et cellules grises que lorsque celles-ci renvoient à l’univers carcéral. Sa politique culturelle se résume en un mot : désengagement tous azimuts et poujadisme à tous les étages.

En défense du festival du court métrage de Clermont-Ferrand, la mobilisation s’organise : des associations professionnelles, comme l’Acid (Association pour le cinéma indépendant et sa diffusion), et des cinéastes en leurs noms propres – Romane Bohringer, Cédric Klapisch, Robert Guédiguian, entre autres – sont montés au créneau. Il est également possible de signer la pétition initiée par l’association organisatrice du festival, Sauve qui peut le court métrage, aujourd’hui, de fait, en grande difficulté. On la trouve ici : « Lettre ouverte à M. le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes, Laurent Wauquiez ».

Scénario à fausses pistes

Retour à Cannes : la compétition débute par un ventre mou. Deux films qui, il faut l’espérer, ne donnent pas le ton général. Du point de vue de la météo, cette édition cannoise s’annonce pluvieuse. Temps couvert, compétition chagrine ?

Hizokazu Kore-eda a ouvert le bal avec Monster. Le cinéaste japonais n’a pas encore retrouvé le niveau d’Une histoire de famille qui lui a valu la Palme d’or en 2018. L’an dernier, Les Bonnes étoiles ressassait agréablement ses thèmes habituels sur parents et enfants non liés biologiquement. C’est peut-être pour éviter de se répéter qu’il n’a pas écrit lui-même – contrairement à ce qu’il a fait pour tous ses films, hormis son premier, Maborosi (1995) –, le scénario de Monster. Il l’a confié à Yuji Sakamoto, un scénariste confirmé, mais peut-être n’était-ce pas la bonne idée. Car on ne connaît pas, dans la filmographie de Kore-eda, d’œuvre aussi compliquée, aussi artificielle, au mauvais sens du terme, que celle-ci.

Monster, Hirokazu Kore-eda, 2 h 06.

Résumer une intrigue étant déjà la part la moins stimulante de l’exercice critique, ce serait ici grandement fastidieux, autant pour celui qui aurait à l’écrire que pour ses lectrices et lecteurs. Disons que la même histoire est vue successivement par trois personnages : la mère d’un garçon qui soupçonne un des professeurs de son jeune fils de le martyriser, le professeur en question, et enfin, l’enfant, Minato.

Toute l’intrigue repose sur la relation secrète que Minato et un autre petit garçon entretiennent. Mais pour en arriver là, le film accumule les détours inutiles et les pistes qui n’aboutissent pas. Au point que le spectateur passe le plus clair de son temps à tenter de raccorder les fils narratifs. Et sort de là fatigué, pour presque rien.

Un passé corse qui ne passe pas

Le Retour, un film mineur dans l’œuvre de Catherine Corsini, dont on peut se demander pourquoi il figure dans la compétition. (Photo : Emmylou Mai – Chaz Productions.)

Catherine Corsini : son nouveau film, Le Retour, déçoit sans doute moins, mais est tout de même bien en-deçà de la folie de La Fracture, qui était en compétition en 2021. J’ai évoqué dans un article précédent les questions sérieuses qui pèsent sur le tournage du film. La réalisatrice et sa productrice ont détaillé dans Le Monde les réponses qu’elles avaient déjà données dans un premier temps.

Le Retour, Catherine Corsini, 1 h 46.

Quant au film lui-même, il met en scène Khedidja, accompagnée de ses filles Jessica et Farah, de retour en Corse qu’elle a quittée dix ans plus tôt dans des circonstances dramatiques. Son mari, natif de l’île, a eu un accident mortel en tentant de la rattraper, afin de l’empêcher de partir avec leurs deux petites filles.

Khedidja revient pour faire la nounou dans une famille de bourgeois blancs, mais va être en butte à ses blessures anciennes. Jessica, la « jeune fille modèle » admise à Sciences-Po, tout en découvrant l’amour lesbien et les plaisirs de l’ecstasy, sera aussi débordée par les anciens antagonismes familiaux. Tandis que Farah déploie son caractère effronté et revêche sous son cœur tendre.

Cela fait beaucoup pour un film qui veut aborder ainsi les différences de classe, l’identité sexuelle, les préjugés racistes. Certaines situations scénaristiques (le retournement de la relation entre Farah et un jeune Corse) ne convainquent pas, tandis que d’autres sont trop convenues : la longue séquence de la soirée entre jeunes, qu’on a déjà vue tant de fois. Heureusement, les trois personnages principaux sont bien dessinés et remarquablement interprétés par Aïssatou Diallo Sagna (Khedidja), l’infirmière solaire de La Fracture, Esther Gohourou (Farah), remarquée dans Mignonnes, de Maimouna Doucouré, et Suzy Bemba (Jessica).

Il reste qu’on peut se demander pourquoi Thierry Frémaux tenait tant à ce que ce film mineur dans l’œuvre de Catherine Corsini – même s’il a des résonances très particulière pour elle, d’origine corse – figure dans la compétition, au risque d’amplifier la polémique, alors qu’il aurait pu avoir sa place dans la section Cannes Première.

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Cinéma
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