Pour une reconnaissance professionnelle des internes
Le 28 avril, les internes, ces jeunes médecins en cours de spécialisation, étaient en grève pour alerter l’opinion publique – leurs patients – sur leurs conditions de vie et de travail. Carte blanche à Olivia Fraigneau, présidente de l’Intersyndicale nationale des internes.
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Le 28 avril, les internes, ces jeunes médecins en cours de spécialisation, étaient en grève pour alerter l’opinion publique – leurs patients – sur leurs conditions de vie et de travail. Dans le contexte politique actuel de difficulté d’accès aux soins, ils alertent sur la mauvaise qualité de ces derniers en raison du climat délétère de leur environnement professionnel. Carte blanche à Olivia Fraigneau, présidente de l’Intersyndicale nationale des internes.
La situation actuelle des internes en médecine est liée à une politique absurde qui s’exerce depuis 1977 : on plafonne le nombre de médecins en formation. Les années 1980 et 1990 ont abouti à un déficit de médecins en France parmi les plus importants d’Europe. Loin de préparer l’avenir, les politiques de santé malthusiennes de ces décennies n’ont anticipé ni l’augmentation de la population ni l’évolution de ses besoins de santé.
L’augmentation de la charge – y compris mentale – de travail est aggravée par les facteurs « culturels » portés par l’institution hospitalière et par de nombreux médecins seniors, qui entretiennent des violences institutionnelles, sexistes et de harcèlement en tout genre.
Rappelons les évidences : les internes sont des agents publics ; ils exercent pleinement la profession de médecin, sous la responsabilité d’un praticien. Ils disposent du droit de prescription, réalisent la prise en charge et le suivi des patients ainsi que l’encadrement effectif des étudiants. Ils représentent un quart du personnel médical hospitalier et sont donc des professionnels de santé à part entière. Pourtant, ils sont systématiquement à la marge des négociations de revalorisation salariale, d’amélioration des conditions de travail ou encore des discussions relatives à leur future installation.
Nous sommes passés d’un hôpital qui soigne à un hôpital qui tue.
Depuis plusieurs années, les conditions de travail des jeunes médecins s’aggravent. Leur rémunération horaire est inférieure au Smic, leurs lieux de vie sont vétustes, leur temps de travail dépasse allégrement le maximum légal autorisé. L’accumulation de ces facteurs conduit à un stress et à une fatigue importants : deux internes sur trois souffrent d’anxiété.
Ce temps de travail prolongé – jusqu’à plus de cent heures par semaine – et ce stress sont associés à une détérioration de la sécurité des patients : un rapport de la Haute Autorité de santé publié en 2015 indique que la performance des médecins dans ces conditions de travail est la même que s’ils avaient une alcoolémie à 0,5 g/l, soit une valeur supérieure au taux légal pour conduire dans de nombreux pays (1) !
« Module 2. Pourquoi la prise en compte des facteurs humains est importante pour la sécurité des patients », Guide pédagogique de l’OMS pour la sécurité des patients, 2015, p. 114. www.has-sante.fr
Nous ne laisserions pas un conducteur de bus amener les enfants à l’école avec un tel taux d’alcool dans le sang, alors comment peut-on accepter ces conditions quand il s’agit de la vie des patients entre les mains des médecins ?
Nous sommes passés d’un hôpital qui soigne à un hôpital qui tue. Et pendant que les jeunes médecins se battent pour leurs conditions de travail – en demandant le simple respect du droit ! –, les enjeux d’égalité ne sont pas abordés. Prenons un exemple tout simple : un interne sur dix est jeune parent. Pourtant, l’accès aux crèches des hôpitaux leur est impossible, du fait des spécificités de leur métier qui exigent qu’ils déménagent tous les six mois. Sans offre de garde convenable, ce sont les femmes, souvent, qui démissionnent ou prolongent leur internat : autant de médecins en moins dans nos territoires.
Pire encore, alors qu’elles représentent 70 % des internes, on constate que les femmes ont toujours deux fois moins accès aux carrières universitaires, quand bien même elles sont autant que les hommes à en exprimer la volonté.
Les demandes des internes de France sont légitimes : s’assurer que leur temps de travail soit décompté en heures – aussi fou que cela puisse paraître, ce n’est pas le cas – et que le plafond européen du temps de travail (48 heures par semaine, tout de même !) soit respecté. Ils demandent également une augmentation d’au moins 300 euros brut par mois et une indemnité de logement indexée sur le prix des loyers pour faire face à l’inflation de ces dernières années.
Il faut que le statut des jeunes médecins soit défini afin de les reconnaître à la hauteur de ce qu’ils sont vraiment : des professionnels de santé à part entière.
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