Quatre mensonges de la Macronie sur la « réindustrialisation »
L’Institut la Boétie a analysé les déclarations de l’exécutif sur la question industrielle. Attractivité, emploi et « industrie verte » : la carte postale est bien moins rose qu’il n’y paraît.
Comme un poisson dans l’eau. Le sixième sommet « Choose France », le « rendez-vous dédié à l’attractivité » créé par Emmanuel Macron s’est tenu lundi 15 mai, au château de Versailles. L’occasion pour le président d’accueillir des investisseurs étrangers milliardaires comme Elon Musk, mais aussi de vanter son bilan industriel.
Une communication au goût de remontant sur la « réindustrialisation de la France », alors que le gouvernement cherche par tous les moyens à tourner la page de la réforme des retraites. Sauf qu’une note de l’Institut la Boétie – fondation proche de la France insoumise et qui met à contribution des travaux d’intellectuels, d’universitaires et de chercheurs –, révèle, et une fois n’est pas coutume, qu’elle est pavée de déclarations au mieux naïves, au pire, mensongères.
Le gouvernement s’appuie sur un baromètre publié par le grand cabinet d’audit Ernst & Young dont l’une des spécialités est par ailleurs l’organisation de l’optimisation et de l’évasion fiscale chez ses clients. Il est vrai que, d’après ce classement, la France concentre le plus gros nombre de projets d’investissements étrangers depuis quatre ans. Un résultat qui ne prend pas en compte l’indice démographique.
Ramené en proportion par million d’habitants, il apparaît que la France se classe 5e derrière l’Irlande, le Portugal, la Belgique et la Finlande. Et en montant total des investissements, la France se classe même 7e. « L’attractivité » ne veut plus dire grand-chose quand on apprend aussi que deux tiers des projets sont de simples extensions de sites existants. Concernant l’industrie, fer de lance des ambitions du président, elle représente 43 % seulement des cas recensés par le baromètre.
Et l’emploi dans ce secteur est loin d’être rutilant : en France chaque projet d’investissements étrangers crée en moyenne 33 emplois, contre 118 en Allemagne et 379 en Espagne. Comble de l’ironie, les investisseurs étrangers ne sont, en 2023, plus qu’une moitié à penser que l’attractivité du pays va s’améliorer dans les années à venir, contre les trois quarts en 2021.
Le gouvernement suit les fermetures et ouvertures d’usines via le cabinet Trendeo, qui fait le point chaque trimestre. Les tendances varient légèrement, mais la dynamique est loin d’être florissante. En 2022, seulement 80 usines ont été créées contre 180 en 2021. Cette année, seulement 8 ont été enregistrées au premier trimestre, alors que plusieurs fermetures de gros sites menacent, comme à Dunkerque (Aluminium Dunkerque et Arcelor Mittal), relève l’Institut.
Quand on observe la production, au-delà du nombre de sites, c’est une véritable dégringolade depuis l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron. En volume, elle a baissé de 4,45 % par rapport à 2017, alors qu’elle avait au contraire augmenté de 1,2 % entre 2012 et 2017. Autre chiffre intéressant mis en avant par la note : la part de l’industrie manufacturière dans la valeur ajoutée globale de l’économie a perdu un point depuis le début du premier quinquennat. Depuis 2010, elle avait atteint un seuil de stabilisation.
Après des décennies de chute vertigineuse de l’industrie en France, le gouvernement se targue d’avoir inversé la balance. Entre 2017 et 2022, on passe effectivement de 3,146 millions d’emplois industriels à 3,236 millions. Mais en y regardant de plus près, sous ces chiffres s’inscrit une restructuration globale du travail.
Selon l’Institut la Boétie, le nombre d’emploi temps plein diminue face à la hausse des emplois à temps partiel. Entre le dernier trimestre 2019 et le dernier trimestre 2022, 3 900 équivalents temps plein ont été perdus dans l’industrie manufacturière. C’est ce secteur qui ressort le plus touché : il est même passé, fin 2022, sous la barre des 10 % de part dans l’emploi total. À cette analyse, il faut aussi ajouter le nombre d’alternants, en forte hausse grâce aux aides importantes instaurées par le gouvernement. Dans l’emploi salarié en général, sa part est passée de 2,7 % fin 2018 à 4 % au troisième trimestre 2022
La sortie d’Emmanuel Macron prônant une « pause » dans les réglementations européennes en matière d’environnement dans le but de développer l’industrie « verte » a de quoi rappeler le « l’environnement, ça commence à bien faire » d’un Sarkozy en 2010. Les règles écologiques seraient donc la cause de tous les maux de l’industrie.
Mais, « il n’y a pas lieu de choisir entre la réindustrialisation et le vivant : les deux sont indispensables et il s’agit de trouver les moyens de les conjuguer », élabore la note. « Le dérèglement climatique, lui, ne fait pas de « pause ». Et pour la survie de l’humanité, il n’y a pas d’autre choix que d’entamer une vaste bifurcation écologique », poursuit-elle.
L’écologie serait-elle donc simplement une affaire de choix idéologique ? Non, affirme l’Institut, selon lequel cette posture éviterait à Macron de nommer les véritables obstacles que rencontre l’industrie française, à l’instar du coût de l’électricité. La Fabrique de l’Industrie, cercle de réflexion « proche du patronat » commentent les auteurs, estime à 117 000 la borne haute du nombre d’emplois menacés à cause du prix de l’électricité.
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