« Vers un avenir radieux », de Nanni Moretti (Compétition)

Le réalisateur italien se revitalise par le cinéma.

Christophe Kantcheff  • 25 mai 2023
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« Vers un avenir radieux », de Nanni Moretti (Compétition)
Tels Tarantino dans "Inglourious Basterds" ou Guédiguian dans ses contes de l’Estaque, le réalisateur italien saisit la fiction pour faire des miracles.
© Sacher Film - Fandango - Le Pacte - France 3 Cinema

Cinq ans. Il faut attendre cinq ans pour voir un nouveau film de Nanni Moretti (hormis le délai entre le précédent, Tre Paini, et celui-ci, seulement 3 ans !). C’est long pour les admirateurs. Une durée sur laquelle ironise le cinéaste lui-même. Dans Vers un avenir radieux, présenté en compétition, son alter ego, Giovanni, réalisateur de renom, s’enjoint à accélérer. Au point qu’avant même d’avoir terminé le tournage qu’il a en cours, il tente de mettre en route deux nouveaux scénarios. Sans résultat probant.

Vers un avenir radieux, Nanni Moretti, 1 h 35. En salle le 28 juin.

Revoici un film de Moretti à la première personne, ou presque. Non pas sous forme de journal intime, mais d’une fiction, où le cinéaste incarne Giovanni, et Margherita Buy (présente dans tous ses films depuis Le Caïman (2006)), sa femme, Paola. Rien ne va plus pour Giovanni. Il est en train de réaliser un film sur l’invasion soviétique en Hongrie en 1956, pour examiner quelle a été l’attitude du Parti communiste italien.

Mais cette histoire ne dit plus grand-chose à personne, l’actrice principale (Barbora Bobulova) est convaincue de tourner un film d’amour et… les finances viennent à manquer. Sa femme, qui produit le film, est aussi pour la première fois la productrice d’un autre réalisateur, plus jeune. En outre, elle veut quitter Giovanni. Enfin, leur fille (Valentina Romani) a une histoire d’amour avec un vieux Polonais.

Vers un avenir radieux Moretti

Rien ne va plus, donc. Le monde change, les manières de faire du cinéma également, alors que Giovanni est tenace sur ces rituels et raide sur ses principes. Pour autant, Moretti ne fait pas de son film un puits de nostalgie souffreteuse. Giovanni est sans aucun doute difficile à vivre, mais son personnage a une puissance comique incontestable.

Anti-ronchon moderne

La manière du cinéaste de renouer avec certains de ses anciens gimmicks est très réussie : les lubies sur les vêtements – en l’occurrence, la détestation des mules « quand on cache les doigts de pied, on n’expose pas le talon » –, la sacro-sainte séquence de jeu au ballon (même si l’acteur n’a plus la même aisance qu’autrefois), et bien sûr l’omniprésence des chansons de variété aux paroles plus signifiantes que jamais.

S’il peut parfois passer pour un ronchon anti-moderne, Giovanni défend aussi des positions éthiques (c’est lui qui lâche le mot). Sur la représentation de la violence au cinéma. Ou quand il rencontre des représentants de Netflix. Deux moments parmi les plus jubilatoires – et revigorants pour les cinéphiles et les citoyens en lutte contre le consumérisme du divertissement (ce sont, théoriquement, les mêmes).

Mais, quoi, si rien ne va plus, le temps n’est-il pas venu de s’effacer ? Nanni Moretti envisage cette issue, qu’elle soit métaphorique – le personnage principal du film dans le film (Silvio Orlindo), responsable local du PCI, tiraillé entre l’obéissance au parti et son inclination à soutenir le soulèvement des hongrois, est censé se suicider. Ou directement personnelle. Le réalisateur de La Messe est finie se montre se passant la corde au cou.

Mais tels Tarantino dans Inglourious Basterds ou Guédiguian dans ses contes de l’Estaque, il saisit la fiction pour faire des miracles. Le cinéma : l’unique croyance à laquelle tient encore Nanni Moretti, la seule qui change vraiment la réalité.

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Cinéma
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