En Loire-Atlantique, mobilisation commune contre l’extraction de sable et la bétonisation
Plusieurs collectifs d’opposants à des carrières, soutenus par le mouvement Les Soulèvements de la Terre, ont convoyé dimanche vers Nantes à vélo ou en voiture. Près de 1 500 personnes ont retracé le chemin du sable des campagnes vers les métropoles, pour dénoncer l’utilisation de cette ressource non renouvelable.
« Oui, on est en colère. En colère contre le gouvernement qui insulte les défenseurs de l’environnement de terroristes. Alors que celui qui finance le terrorisme, c’est Lafarge ! », s’emportait Marie Nicolas, membre du collectif La Tête dans le sable, ce dimanche matin du 11 juin, à trente kilomètres au sud de Nantes. À son discours ont répondu des huées contre l’entreprise, depuis le lieu-dit Le Redour, à proximité de la commune de Saint-Colomban.
Lafarge – poursuivie en France pour « financement d’une entreprise terroriste » et qui a reconnu à l’automne aux États-Unis avoir financé l’organisation État islamique –, c’est l’une des entreprises qui exploite une carrière de sable dans cette commune de Loire-Atlantique depuis 2008. Elle n’est pas seule sur le terrain. GSM en fait de même depuis 2001. Ensemble, elles exploitent déjà 114 hectares et ont extrait environ 12 millions de tonnes de sable des sous-sols, où cette matière a mis des dizaines voire des centaines de milliers d’années à se former à partir de sédiments. Une ressource non renouvelable.
Les deux entreprises arrivent au terme de leur exploitation et souhaitent s’agrandir, sur 67 hectares supplémentaires. Elles ont déjà obtenu la modification du plan local d’urbanisme pour requalifier des « espaces agricoles pérennes ». Validée à Saint-Colomban par une consultation citoyenne début 2022 à 54,4 % des voix, elle a ensuite été approuvée en septembre par les élus des quatre communautés de communes alentours. Des résultats restés en travers de la gorge du collectif local La Tête dans le sable et des personnes opposées à ce type de projets industriels, qu’elles habitent à Saint-Colomban ou ailleurs.
« Qui sème le béton aura la dalle »
Car d’autres projets d’agrandissement, de réouverture et de création de carrières sont prévus en Loire-Atlantique et sont également contestés. À Soudan, le collectif Le cri du bocage lutte contre l’ouverture d’une carrière de sable. À Guéméné-Penfao, le collectif Carrière Tahun dénonce un projet d’extraction de grès et de schiste pour fabriquer des granulats. À Puceul, le collectif CAMIL lutte pour sa part contre une usine d’enrobés, pensée à l’origine pour le projet d’aéroport à Notre-Dame des Landes, finalement annulé. Pour lutter contre l’accaparement de terres agricoles et la bétonisation galopante des métropoles, ces quatre collectifs se sont réunis pour organiser cette mobilisation commune, soutenue par le mouvement écologiste Les Soulèvements de la Terre.
Celle-ci s’est déployée sous la forme de deux convois : l’un au départ de Saint-Colomban, l’autre au départ d’Héric, au nord de Nantes. Les deux visaient à retracer le chemin du grain de sable, des carrières vers la métropole. Au sud de Nantes, plusieurs centaines de vélos se sont élancés, munis de drapeaux floqués du logo des Soulèvements de la Terre ou de pancartes inspirées : « Le marchand de sable ne passera pas », « Qui sème le béton aura la dalle »…
En chemin, plusieurs actions de « désobéissance civile » ou « désarmement » ont été menées. Du muguet a été arraché et du sarrasin semé à la place dans la parcelle d’un maraîcher, pour dénoncer la gourmandise pour le sable de l’agro-industrie maraîchère locale, qui constitue 30 % des débouchés des carrières de GSM et Lafarge. Un site d’expérimentation de la Fédération des maraîchers nantais a été dégradé. Et l’arrivée d’eau d’une centrale à béton a été coupée et son accès cimenté.
Aujourd’hui, on réclame du pognon pour la santé, pas du pognon pour le béton.
À Nantes, les deux convois se sont rejoints et ont retrouvé le cortège d’un autre collectif, baptisé Hosto Debout. Celui-ci lutte contre le transfert prévu du CHU vers l’île de Nantes, dans un endroit « plus petit, avec moins de lits et de matériel médical ». Un chantier qui nécessite du sable, beaucoup de sable, et vu comme l’un des débouchés des extensions des carrières. « Aujourd’hui, on réclame du pognon pour la santé, pas du pognon pour le béton », a déclaré Margot Medkour, l’une de ses porte-parole.
Moratoire sur le sable
Cette mobilisation s’inscrivait dans un contexte particulier pour les militants écologistes. Au début de la semaine, quinze personnes avaient été perquisitionnées puis placées en garde à vue, soupçonnées d’avoir participé en décembre à une action contre une cimenterie du groupe Lafarge dans les Bouches-du-Rhône. Une action relayée par Les Soulèvements de la Terre, sans être revendiquée par le mouvement. Elles ont toutes été remises en liberté, sans faire l’objet de poursuites pour le moment. Cette tension a été un peu palpable ce dimanche. La manifestation était autorisée, mais malgré les échanges avec les organisateurs, la préfecture avait publié en amont plusieurs arrêtés empêchant l’accès à certaines zones. Les contrôles de gendarmerie ont été nombreux et des forces de l’ordre étaient essaimées tout le long du parcours.
Elles se sont toutefois tenues plutôt à l’écart et l’ambiance a pu être festive, à coups de sonnettes de vélos et de fanfares. Malgré l’envie palpable de se rendre sur le chantier du CHU, les camions de CRS ont conduit le cortège à se diriger vers un bâtiment de Nantes métropole, où s’est déroulée la dernière action : un « blocage des accès en matériaux biosourcés [de la paille et de la terre] pour montrer qu’on peut construire autrement qu’avec du béton ». Car au final, ce que les manifestants réclament, c’est l’abandon de l’extraction du sable grâce à un moratoire, pour mieux obliger industriels et métropoles à se tourner vers des alternatives.
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