Marche des fiertés : à Paris, le capitalisme lave toujours plus rose
La manifestation parisienne a eu lieu ce 24 juin, comme chaque année le premier samedi de l’été, sous le soleil de la capitale. Un cortège multicolore, « arc-en-ciel », où le « pinkwashing » capitaliste, comme depuis de nombreuses années, était toutefois loin d’être absent.
En fin de cortège de la Pride parisienne version 2023, Marche des Fiertés de son nom officiel, les militants de l’association SOS Homophobie, parés de tee-shirts et accessoires roses, sont suivis par les organisations syndicales, avec leurs logos aux couleurs rainbow (arc-en-ciel) : CFDT, CGT – qui, par le passé, fut moins bien ouverte à cette cause –, et même l’Unsa. Le Nouveau Parti anticapitaliste et La France insoumise suivent également, avec slogans et drapeaux. À la suite de ces organisations de travailleurs, arrivent alors une centaine de manifestants avec des rainbow flags, bobs et tee-shirts flambants neufs assortis : ce sont les « salarié·es et allié·es » (sic) de L’Oréal-Paris. Cette partie du cortège est ouverte par trois ou quatre touk-touks électriques flambant neufs, qui envoient de la musique techno, la foule reprenant en chœur chaque refrain. Le business se porte bien. Les « salarié·es et allié·es » de la multinationale, propriété de la famille Bettencourt, deuxième fortune de France, portent haut les logos de la marque, teintés des couleurs arc-en-ciel pour l’occasion.
Le business « pinkwashé » semble un bon investissement, aussi bien pour les vendeurs à la sauvette que pour les grands groupes.
Tout le long du cortège, de la place de la Nation à celle de la République en passant par la Bastille, des dizaines de personnes poussent des Caddies, proposant drapeaux arc-en-ciel, chapeaux et autres rubans ou éventails aux mêmes couleurs, tous identiques. Nombre de manifestants agitent d’ailleurs des petits fanions et autres drapeaux multicolores, avec des plis indiquant leur achat tout récent. Le business « pinkwashé » semble un bon investissement, aussi bien pour les vendeurs à la sauvette que pour les grands groupes s’achetant ainsi une bonne conscience de tolérance pour les « minorités sexuelles ». Depuis des années, la Gay Pride a vu nombre de grandes marques profiter de l’aubaine, dans un mélange des genres où le commerce recouvre incidemment les engagements militants sincères des manifestants pour cette « Marche des fiertés », selon son appellation française. Elle a souvent adopté des slogans assez neutres, peu revendicatifs et très « mainstream ». Surtout à l’époque la plus critique de l’épidémie de sida. Elle est organisée par l’Inter-LGBT, collectif d’une multitude d’associations communautaires où le Syndicat national des entreprises gaies (SNEG), soit le « Medef gay », qui regroupe le patronat des commerces « communautaires » (notamment les bars, saunas, clubs, etc.), pèse de tout son poids en finançant l’événement ou, surtout, en apportant des sponsors privés.
Depuis des années, la Gay Pride a vu nombre de grandes marques profiter de l’aubaine, dans un mélange des genres.
La dérive commerciale a vite porté une ombre avide sur l’événement, sur son intitulé lui-même. Dès le début des années 1990, l’association Lesbian and Gay Pride, ancêtre de l’Inter-LGBT et qui organisait la marche à l’époque, avait déposé à l’Institut national de la propriété les termes « Pride », « Gay Pride », « Lesbian and Gay Pride » et même « Europride » (puisqu’en 1997 l’événement de dimension européenne eut lieu à Paris). Ce qui empêcha d’ailleurs les fondateurs du magazine gay Têtu (dont le principal, Didier Lestrade, était également président d’Act Up-Paris) de l’intituler « Pride magazine », comme ils le souhaitaient au départ.
Si, en cette édition 2023, des associations militantes ont certes défilé de Nation à République via la place de la Bastille, avec des dizaines de milliers de personnes (56 000 selon la préfecture), sponsors et visuels commerciaux étaient bien visibles et le commerce tint encore une fois une bonne place tout le long du parcours. En raison peut-être d’un préjugé tenace sur le « pouvoir d’achat gay », les stands de vente de boissons et de sandwichs proposaient leurs denrées à des prix bien supérieurs à ceux pratiqués il y a seulement quelques semaines, lors des mobilisations contre la « réforme » des retraites. Enfin, cerise sur le gâteau (si l’on peut dire), lors du concert à l’arrivée de la marche, place de la République, où se produisirent Jeanne Added ou l’excellente DJ Chloé, les organisateurs au micro insistèrent à plusieurs reprises sur le soutien financier de la multinationale de cartes de crédit MasterCard ! Non sans quelques sifflets dans la foule, tout de même…
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