L’ONU étrille la France pour son maintien de l’ordre
Sept experts des Nations unies expriment leur « inquiétude » devant « le manque de retenue dans l’usage de la force » sur les manifestants, mais aussi la « rhétorique criminalisante » à l’endroit des défenseurs des droits humains et de l’environnement.
Une nouvelle fois, la France inquiète l’ONU sur son maintien de l’ordre. Dans un rapport publié ce vendredi 16 juin, sept experts des Nations unies ciblent le gouvernement pour sa gestion des manifestations et des rassemblements pacifiques. Ils invitent le pouvoir à respecter « ses obligations internationales (…) ainsi qu’à promouvoir la liberté d’association ».
Le 1er mai, le Conseil des droits de l’homme de l’organisation avait déjà dénoncé la « répression disproportionnée » des manifestations des Gilets jaunes. Un rapport avait d’ailleurs été rédigé en plein milieu de ce mouvement, en février 2019. Les États membres recommandaient à la France d’empêcher « un usage excessif de la force par les forces de l’ordre », d’enquêter « sur les violations présumées commises » par elles et de « former régulièrement ces forces à la gestion des manifestations ».
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Le 20 mars, alors que la France était plongée dans le mouvement contre la réforme des retraites, le rapporteur spécial de l’ONU sur les droits à la liberté de réunion pacifique et d’association, Clément Nyaletsossi Voulé, indiquait aussi sur Twitter qu’il suivait « de très près les manifestations en cours » et rappelait que « les manifestations pacifiques sont un droit fondamental que les autorités doivent garantir et protéger ».
Mais le gouvernement n’écoute pas, même quand l’alerte vient de l’ONU. Particulièrement offensifs et explicites, les sept experts – tous rapporteurs liés aux droits de l’homme, au droit à la liberté de réunion pacifique et d’association ou encore à la liberté d’opinion et d’expression – appellent les autorités à « entreprendre un examen complet de leurs stratégies et pratiques en matière de maintien de l’ordre afin de permettre aux manifestants d’exprimer leurs préoccupations et à faciliter une résolution pacifique des conflits sociaux ».
Elles envoient toutes le même signal, mais le radar de l’Élysée semble éteint. Silence radio dans le Palais. Plusieurs institutions tentent, depuis plusieurs années, d’alerter Emmanuel Macron sur sa conception du maintien de l’ordre et plus largement sur son rapport avec les contre-pouvoirs. Mais l’intéressé ne change rien. Pire, par l’intermédiaire de ses ministres, à l’instar de Gérald Darmanin, il met de l’huile sur le feu.
Ainsi en est-il de l’ONU, donc, mais aussi du Conseil de l’Europe, le 23 mars, qui appelait à protéger la liberté d’expression contre « toute forme de violence ». Cinq jours plus tard, c’est au tour de la Défenseure des droits, Claire Hédon, de rappeler que « la liberté de manifester est un droit fondamental dans notre État de droit ». Même message du côté de la Commission nationale consultative des droits de l’Homme. Et la Ligue des droits de l’Homme publiant régulièrement des communiqués sur la criminalisation des mouvements sociaux, ou la répression menée contre des militants.
Contrairement aux accusations d’écoterrorisme ou de violences imputées aux manifestants, rassemblés lors des « casserolades », par les préfets ou le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, les experts ont noté que les mouvements syndicaux et écologistes issus de divers mouvements sociaux ont adopté « des méthodes pacifiques ».
Qu’à cela ne tienne, « la répression des forces de l’ordre aurait fait des dizaines de blessés, dont des manifestants, des journalistes, des élus et des passants », déplorent les auteurs, tout en pointant du doigt les Brav-M. De manière assez inédite, les experts « s’inquiètent d’une tendance à la stigmatisation et à la criminalisation des personnes et organisations de la société civile œuvrant pour la défense des droits humains et de l’environnement ». Une politique qui, d’après eux, « semble s’accentuer et justifier un usage excessif, répété et amplifié de la force à leur encontre ».
Une référence à peine voilée aux attaques systématiques de l’exécutif contre la Ligue des droits de l’Homme, la Contrôleuse générale des lieux de privation et de liberté, ou la bataille engagée par l’exécutif contre les Soulèvements de la Terre. « Le droit de réunion pacifique est un droit fondamental qui forme le socle même des systèmes de gouvernance participative fondés sur la démocratie, les droits humains, l’État de droit et le pluralisme », scandent les experts. Un rappel qui sonne comme un lancinant refrain, tant le gouvernement, sourd aux alertes – qu’elles viennent de l’ONU ou d’ailleurs –, a fait de la répression son système.
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