Plan « Logement d’abord 2 » : des « miettes » selon les associations

Il y a une semaine, le ministre du Logement Olivier Klein a présenté aux acteurs de la solidarité le plan « Logement d’abord 2 » qui prévoit de lutter contre le sans-abrisme. Un plan à court terme, pas à la hauteur selon les associations.

Clémentine Mariuzzo  • 26 juin 2023
Partager :
Plan « Logement d’abord 2 » : des « miettes » selon les associations
Présentation du plan "Logement d'abord 2", à Paris le 20 juin 2023, par le ministre ministre délégué chargé du Logement, Olivier Klein.
© Clémentine Mariuzzo.

Alors que mardi 13 juin se déroulait l’hommage aux 611 morts de la rue en 2022, le deuil aurait pu s’accompagner d’une lueur d’espoir. Mardi 20 juin, le ministre du Logement Olivier Klein a présenté aux acteurs de la solidarité le plan « Logement d’abord 2 » qui prévoit une augmentation de 160 millions d’euros du plan « Logement d’abord 1 ». Soit, jusqu’en 2027, 516 millions d’euros alloués à la réinsertion des personnes sans domicile. Ce budget est planifié sur l’ensemble du quinquennat avec, d’ici à la fin de l’année, 44 millions d’euros de budget en plus suivi par des augmentations annuelles de 29 millions d’euros.

Le « Plan quinquennal pour le logement d’abord et la lutte contre le sans-abrisme », aujourd’hui appelé « Logement d’abord 1 », crée en septembre 2017, était déjà loin d’avoir fait l’unanimité sur le terrain. Un bilan qui n’est pas à la hauteur de ses engagements : 7 200 places ont été créées en pension de famille sur les 10 000 prévues et 122 300 logements pour des ménages sans domicile ont été attribués. Son objectif était, d’après le ministre actuel, de « changer de paradigme. Stopper cette boucle infernale qu’est la rue, l’hébergement d’urgence, puis le retour à la rue. » En écoutant Olivier Klein s’enorgueillir d’avoir sorti 440 000 personnes du mal-logement durant le précédent quinquennat, les acteurs associatifs lèvent les yeux au ciel. Ils savent que derrière des premières mesures « utiles et nécessaires », se cache une insuffisance. Manuel Domergue, directeur des études de la fondation Abbé-Pierre, admet que « nous soutenons les mesures qui veulent faire avancer les choses. Et avec le plan “Logement d’abord 1”, nous voyons quelques améliorations. » Les associations de solidarité peuvent en citer notamment deux : « l’augmentation du nombre d’attributions HLM aux personnes sans domicile et une relance de la production de pensions de famille et d’intermédiation locative ». Pourtant Manuel Domergue soupire : « La situation s’est gravement détériorée ».

« Ce plan ne remplacera jamais une vraie politique du logement » estiment les acteurs du secteur associatif, qui sont ressortis déçus de la présentation du plan « Logement d’abord 2 », le 20 juin, par le ministre délégué en charge du Logement, Olivier Klein. (Photo : Clémentine Mariuzzo.)

Douche froide et colère

Aujourd’hui, on compte 2,4 millions de ménages en attente de logement social, 6 000 demandes non pourvues chaque soir au 115 et 330 000 personnes sans domicile. Au lancement du plan « Logement d’abord 1 » en 2017, ils étaient 147 000. Une augmentation du sans-abrisme causée par plusieurs facteurs : inflation et problème d’accueil des personnes exilées en priorité. Ces dernières, souvent en situation irrégulière, se retrouvent dans l’impossibilité d’être éligibles à des hébergements d’urgence et encore moins pérennes. En 2012, 53 % des sans-abri n’étaient pas de nationalité française. Une situation ayant pour conséquence le refuge des exilés dans des squats, comme celui de la rue Erlanger à Paris. « La société se précarise et ce n’est pas pris en compte », explique Manuel Domergue. C’est donc avec beaucoup d’attentes et une situation sur le terrain très tendue que les acteurs de la solidarité ont découvert le plan d’Olivier Klein. Premières impressions ? Pour Manuel Domergue, « Logement d’abord 2 » est fait « de contradictions » et « de zones de flous ».

Sur le même sujet : 611 morts dans la rue et l’indifférence

Bien que l’objectif des plans « Logement d’abord » soit de sortir « de cette boucle du logement à la rue », la priorité du gouvernement est mise sur les hébergements d’urgence, sans penser au long terme. « Un point crucial » qui « inquiète » Manuel Domergue. Car même si le second plan prévoit l’ouverture de 10 000 places en plus dans les pensions de famille et la mise en place du projet « un chez soi d’abord » qui se veut être un accès direct au logement depuis la rue, c’est « insuffisant ». D’après une étude de l’Observatoire de l’immobilier neuf, 449 298 logements doivent sortir de terre chaque année pour répondre aux besoins. Au cours des douze derniers mois, 359 200 chantiers de nouveaux logements ont été commencés. Une baisse de 8 % par rapport à la période 2021-2022. En tout, le plan « Logement d’abord 2 », prévoit la création de 100 000 logements « très sociaux », (PLAI) dans le quinquennat, loin des 40 000 par an annoncés et « très loin » des précautions demandées par les associations.

Ce plan ne remplacera jamais une vraie politique du logement.

Sur le plan financier, c’est aussi la douche froide. « Ils nous proposent des sommes ridicules » confie Manuel Domergue, qui poursuit : « “Logement d’abord 2” nous aidera à couvrir l’inflation, mais nous n’aurons pas de marge, pas de fonds supplémentaire. C’est le minimum. » Dans leur communiqué de presse, les associations présentes à la réunion mettent en garde contre le risque « d’une dégradation de l’accompagnement social » à cause du « manque de moyens des associations » dû à l’inflation. Rempli d’inquiétudes, il s’empresse de dresser ses remarques au ministre : « Moins 4 milliards d’aide aux APL, des baisses de productions de logements sociaux et une loi anti-squat qui va faciliter les expulsions locatives, c’est aussi ça votre politique du logement ! ». Il restera sans réponse. Alors qu’Olivier Klein voulait lutter contre une « bombe sociale », il allume une mèche et attise la colère des acteurs du secteur associatif. En repartant du ministère, ils se disent déçus de « récupérer des miettes » sachant « que ce plan ne remplacera jamais une vraie politique du logement. »

Recevez Politis chez vous chaque semaine !
Abonnez-vous
Société
Temps de lecture : 5 minutes
Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don

Pour aller plus loin…

Armes autonomes et robots tueurs : comment l’intelligence artificielle change la guerre
Vidéo 28 mars 2025

Armes autonomes et robots tueurs : comment l’intelligence artificielle change la guerre

Défense, répression, coût écologique, travail… Dans cette série de vidéos, nous disséquons le développement et les conséquences de l’intelligence artificielle sur tous les aspects de nos vies. Retrouvez un nouvel épisode de « IA quoi ? », tous les mois, sur le site et la chaîne YouTube de Politis.
Par Thomas Lefèvre
Comment la guerre par drones redessine les champs de bataille
Analyse 28 mars 2025 abonné·es

Comment la guerre par drones redessine les champs de bataille

Avec l’essor de ces appareils dans les airs, sur mer et sur terre, les stratégies militaires vivent une nouvelle révolution. Entre reconnaissance, frappes kamikazes et intelligence artificielle, c’est une nouvelle course à l’armement qui redéfinit les conflits modernes.
Par Maxime Sirvins
Anduril, la start-up de la guerre qui recrute sur internet
Entreprise 28 mars 2025 abonné·es

Anduril, la start-up de la guerre qui recrute sur internet

Cette jeune pousse américaine, fondée par Palmer Luckey, un prodige pro-Trump de la technologie, mise sur l’esthétique pop et les réseaux sociaux pour promouvoir ses armes autonomes et recruter massivement.
Par Thomas Lefèvre
Au meeting d’Agir Ensemble, « réarmement moral de la nation » et lutte « à la vie, à la mort contre l’islamisme »
Reportage 27 mars 2025 abonné·es

Au meeting d’Agir Ensemble, « réarmement moral de la nation » et lutte « à la vie, à la mort contre l’islamisme »

Au Dôme de Paris, l’association Agir Ensemble, dont le président est aussi à la tête du lobby-pro israélien Elnet, a fait défiler les ministres Bruno Retailleau et Manuel Valls et des personnalités proches du Printemps républicain, dans une atmosphère de préparation à la guerre intérieure. Reportage.
Par Hugo Boursier