Manifestation du 6 juin : poursuivre le combat, garder l’espoir, préparer l’après
Ce mardi 6 juin a lieu, partout en France, la 14e journée de mobilisation interprofessionnelle contre la réforme des retraites. L’occasion de mettre la pression sur la majorité, 48 heures avant le passage à l’Assemblée nationale de la proposition de loi voulant l’abroger.
La fin de l’histoire ou le début d’un nouveau chapitre ? Voici la grande question qui plane à l’aube d’une 14e journée de mobilisation interprofessionnelle contre la réforme des retraites qu’on annonce déjà comme moins fournie que les précédentes. Il est vrai que le cœur de ce mouvement social paraît derrière nous, niché au creux de l’hiver lorsque, chaque nouvelle journée de mobilisation donnait à voir des affluences records dans toutes les rues de l’hexagone. Le tout, dans une joie nouvelle colorant les luttes.
Comment peut-on imposer un projet de loi aussi antisocial en empêchant un vote ?
Près de cinq mois après la présentation du détail de sa réforme, l’exécutif n’a pas dévié d’un centimètre de sa trajectoire. A grand renfort de bisbilles constitutionnelles et de répressions policières et administratives, le gouvernement a refusé tout recul face à la rue et une large majorité de l’opinion publique. Ce 6 juin sera donc forcément teinté d’une amertume parsemée de colère et d’impuissance. Celle de n’avoir pas été entendu. Celle, surtout, d’avoir échoué. Depuis la promulgation de la loi et le double refus du Conseil Constitutionnel de valider la demande de référendum d’initiative partagée, l’application des principales mesures – dont le recul de l’âge légal de 62 à 64 ans – de la réforme au 1er septembre paraît inéluctable.
Petites doses d’espoir
Sauf que dans ce 6 juin, résident, aussi, des petites doses d’espoir. La première : l’examen de la proposition de loi du groupe Liot voulant abroger la réforme des retraites le 8 juin. Ce serait la première fois que les députés se prononceraient sur la mesure phare de la réforme. Lors d’une conférence de presse tenue une semaine avant la mobilisation du 6 juin, les organisations syndicales l’ont d’ailleurs rabâché à tour de bras. « Comment peut-on imposer un projet de loi aussi antisocial en empêchant un vote ? N’importe quel démocrate normalement constitué ne pourrait l’accepter », note Thomas Vacheron, secrétaire confédéral de la CGT. « Cette proposition de loi doit être débattue, et votée démocratiquement. C’est le seul message qu’on a à faire passer aujourd’hui », abonde Marylise Léon, future numéro 1 de la CFDT.
Malgré tout, la majorité présidentielle compte bien user de tous les moyens dont elle dispose pour éviter que cette proposition de loi soit votée en séance dans l’hémicycle. Et si ce mouvement social nous a bien appris quelque chose, c’est l’arsenal législatif et constitutionnel que l’exécutif est prêt à utiliser pour passer en force. C’est d’ailleurs, peut-être, a posteriori, la plus grosse erreur de l’intersyndicale sur ces cinq mois de mobilisation. Avoir trop voulu jouer le jeu des institutions, au détriment de l’instauration d’un rapport de force plus dur. Car à ce jeu, le pouvoir excelle de facto, déjouant, violemment et sans brio, les injonctions aux débats dans l’hémicycle, au vote de la loi, ou encore les différents recours au Conseil Constitutionnel.
Le 8 juin, tous ceux qui empêcheront un vote seront responsables de l’accident démocratique.
La niche parlementaire de Liot ce 8 juin ne devrait pas déroger à la règle. Déjà, la majorité présidentielle s’est armée de tout un tas d’artifice législatif pour éviter un vote qui paraît, aujourd’hui, presque improbable. « Le 8 juin, tous ceux qui empêcheront un vote seront responsables de l’accident démocratique qui pourrait en découler », prévient, malgré tout, Thomas Vacheron, sans vraiment réussir à convaincre qu’un nouveau tour de force gouvernemental pourrait lancer une nouvelle étape dans la mobilisation.
Face au micro, les représentants syndicaux assurent qu’il pourrait y avoir de futures dates de mobilisation. « Les suites dépendront du niveau de la mobilisation mardi et du vote le 8 juin. J’appelle donc tout le monde à descendre dans la rue », affirme par exemple Sophie Binet, la numéro 1 de la CGT, ce week end dans le JDD. Malgré tout, en off, plusieurs représentants syndicaux pronostiquent que ce 6 juin sera la dernière journée de mobilisation interprofessionnelle. Des députés de La France insoumise, eux, espèrent poursuivre la mobilisation en appelant, tous les soirs de cette semaine à des « apéros anti-Macron » dans plusieurs villes de France.
Rapport de force
Faut-il y voir la fin de l’histoire ? Sans doute pas. Et c’est sans doute là que réside l’espoir le plus grand. À défaut d’avoir obtenu le retrait de la réforme, l’intersyndicale, par son unité et sa capacité à construire un mouvement massif, a redoré les blasons bien ternis et poussiéreux des syndicats. « Cette mobilisation a démontré que lorsqu’on est uni, il y a du monde dans la rue, et un regain de confiance à l’égard des syndicats », analyse Dominique Corona, secrétaire général adjoint de l’UNSA.
Et ce coup de propre ne s’arrêtera pas au soir du 6 juin. Déjà, les organisations représentatives des salariés ont annoncé qu’elles poursuivraient leur travail en commun sur plusieurs thématiques : hausse des salaires, égalité hommes-femmes, pénibilité du travail… Autant de thèmes sur lesquels l’intersyndicale veut obtenir des « avancées sociales ». En s’appuyant, notamment, sur la force construite ces cinq derniers mois pour instaurer un vrai rapport de force avec le gouvernement et le patronat.
Enfin, pour les millions de personnes qui se sont mobilisées contre cette réforme des retraites, la lutte ne s’arrêtera pas le 6 juin au soir. « Il y a une très forte colère, qui grandi de semaines en semaines », souffle Marylise Léon. Une colère en forme de défiance qui entravera, forcément, les actions futures du gouvernement. Et qui, parfois, secteur par secteur, pourra vaincre. À Verbaudet, entreprise de vente de vêtements en ligne, les salariées ont ainsi obtenu gain de cause sur des hausses de salaires après un long combat collectif de deux mois. Un exemple sur lequel s’appuyer pour construire les luttes actuelles et futures. Parmi elles, celle contre la réforme des retraites en fait encore partie.
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