« The House We Live In » : Terre en transe
Le groupe parisien post-rock évoque l’état – ô combien alarmant – de notre planète via un projet musical et filmique de grande amplitude.
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The House We Live in / Bravery in Battle, braveryinbattle.bandcamp.com / Inouïe Distribution.
Quintette fondé et mené par le guitariste Paul Malinowski, Bravery in Battle s’est lancé en 2010 dans la bataille musicale en opérant d’abord sur le front du rock indé. Après diverses expériences, dont une création pour la Maîtrise de Radio France en 2012, ces fantassins électriques se sont assez vite détournés du format chanson pour tendre vers une musique à forte dominante instrumentale influencée principalement par le post-rock « canal historique » (Mogwai, Godspeed You! Black Emperor).
Après l’EP The Bells (2014), qui contient quatre (longs) morceaux instrumentaux, le groupe a commencé à édifier The House We Live in (La Maison où nous vivons), un projet explorant en profondeur la crise environnementale que traverse la Terre, et les défis impérieux subséquents auxquels l’être humain doit aujourd’hui se confronter – sous peine de disparaître de la surface du globe.
Devenus également vidéastes pour la circonstance, en apprenant sur le tas, les musiciens ont interviewé et filmé plusieurs figures emblématiques de l’écologie, notamment l’astrophysicien Hubert Reeves, l’écoféministe Vandana Shiva, le philosophe Clive Hamilton, l’actrice Mélanie Laurent et le biologiste Jean Claude Ameisen.
Aplats contemplatifs et éclats éruptifs
Les paroles recueillies ont ensuite été intégrées à certaines compositions en musicalisant les voix sans les noyer dans le flot ni les mettre trop en avant. Le son de ce qui est dit a autant d’importance que le sens. Riche de quinze morceaux, alternant aplats contemplatifs et éclats éruptifs, l’album génère un magma sonore dense et intense dont la puissance émotionnelle est encore amplifiée par la teneur des propos qu’il charrie – mentions spéciales à « Commons » (avec Vandana Shiva) et « The Market » (avec Clive Hamilton). Des bribes filmées des interviews ont également été utilisées, un clip avec une identité spécifique étant adjoint à chaque morceau. D’emblée conçues comme un tout, la partie musicale et la partie filmique ont pris forme en parallèle au fur et à mesure. Enchaînés, les clips peuvent se regarder comme un long métrage, tout à fait happant.
Fruit de cinq ans de travail acharné, The House We Live in est ainsi un prototype hors normes qui mêle intimement musique instrumentale, interventions parlées et création vidéo. Paru sous forme de livre accompagné d’un CD/DVD en mai 2020, uniquement en France, le projet est désormais aussi diffusé en numérique via les plateformes musicales ou audiovisuelles sur internet – ce qui, espérons-le, devrait lui permettre d’atteindre un large public.