Avignon « off » : Portrait d’un artiste en devin
Clara Le Picard présente l’une de ses « médailles », courts portraits théâtraux d’artistes. Le touchant et singulier Pascal Billon nous y raconte son rapport au théâtre et à la divination.
dans l’hebdo N° 1765 Acheter ce numéro
Médaille 4 : Pascal / de Clara Le Picard / Musée Louis-Vouland, Musée Louis-Vouland, 17, rue Victor Hugo, Avignon (84). Du 7 au 23 juillet à 17 h 15 (sauf 10 et 17) / 2-4 mars, Comédie, Caen (14) / 24-25 mars, Comédie, Colmar (68) / 29-31 mars, CCAM Scène nationale, Vandœuvre-lès-Nancy (54)
Rares sont les occasions d’entendre la parole des acteurs de théâtre sur leur travail. Les metteurs en scène s’expriment, les auteurs aussi, mais eux très peu, à moins d’être des célébrités. Avec la série de « médailles » qu’elle entamait à la sortie du covid, l’autrice, comédienne et metteuse en scène Clara Le Picard offre un cadre très subtil à la voix des interprètes. Écrits par elle à partir des récits que lui livrent les artistes, ces courts portraits théâtraux (environ 25 minutes chacun) sont conçus selon un angle précis : le croisement entre art dit « savant » et art populaire. La « médaille » de Pascal Billon, présentée au Festival Off d’Avignon dans le jardin du Musée Louis-Vouland, offre un mélange de langages particulièrement réussi.
Savoureuses digressions
Selon les lieux où Clara Le Picard est invitée à déployer son « musée » de « médailles », Pascal peut se retrouver avec un ou plusieurs des cinq autres artistes qui se prêtent au même jeu que lui : Lorenzo Vanini par exemple, qui parle autant danse contemporaine que cuisine italienne en préparant un pesto. Ou encore Irina Solano, comédienne et fan de Michael Jackson, Muriel, mezzo-soprano et potière amatrice. Comme les autres, la « médaille » de Pascal est toutefois conçue de façon à pouvoir briller toute seule. Elle y réussit d’autant mieux que sa composition est presque invisible. Avec son air de « Jean de la Lune » tout juste revenu d’un long voyage – lié sans doute à une surdité longtemps non diagnostiquée dont il ne tarde pas à nous faire part –, Pascal semble ne pas avoir beaucoup prémédité le rendez-vous. Il a tout de même apporté quelques accessoires, à commencer par un jeu de 32 cartes.
« Au début, il y a le temps, l’espace, le haut astral, le bas astral. Il y a les gens, les gens ici et les autres, ceux qui sont partis ailleurs », nous explique Pascal. Au gré de ses savoureuses digressions, il nous apprend que la divination est pour lui un héritage qui, pour être familial, n’en est pas moins inquiétant. « Après, moi, les cartes, je les crains ! Ça rigole pas, c’est du sérieux ! », poursuit-il avec un naturel qui fait presque oublier qu’il n’est pas l’auteur de ce qu’il dit, et que ses mots ne lui viennent pas spontanément mais qu’il les a appris. Un doute subsiste toutefois sur la part de vrai et de faux dans son récit, comme souvent dans les créations de la Compagnie à table de Clara Le Picard. Il se fait plus insistant lorsque Pascal se met à comparer le théâtre, qu’il a découvert sur le tard, aux cartes. Il nous rappelle ainsi le cadre qui nous rassemble, où l’art et la vie font un beau et curieux ménage.