Audrey Pulvar : « Des filières courtes, de proximité, bio et durables »
L’adjointe à la maire de Paris pilote une ambitieuse mutation de la restauration collective municipale.
Cet article est issu de notre nouveau hors-série : « Dessine-moi l’école publique ». Un numéro exceptionnel de 52 pages, à découvrir en kiosque et sur notre boutique en ligne !
Après une carrière de journaliste audiovisuelle et de chroniqueuse, Audrey Pulvar affirme ses convictions écologistes, notamment lors de son passage à la présidence de la Fondation Nicolas-Hulot pour la nature et l’homme en 2017. Élue conseillère de Paris en 2020, elle devient adjointe d’Anne Hidalgo, en charge du gros dossier de l’alimentation durable, de l’agriculture et des circuits courts.
Votre plan « alimentation durable » pour la restauration collective à Paris vise, en 2027, 75 % de produits bio, 100 % de saison et 50 % ayant parcouru moins de 250 kilomètres. Avec 30 millions de repas par an, comment y parvenir ?
Audrey Pulvar : Tout d’abord, nous sommes en avance sur les objectifs de la loi Égalim. Aujourd’hui, 54 % des aliments servis en restauration collective par la ville de Paris sont bio (35 %) ou « durables » (19 %) – en cours de conversion bio, issus de la pêche durable, label rouge, etc. Ensuite, en plus d’atteindre d’importants volumes en bio, le nœud de notre ambition, c’est de relocaliser nos sources -d’approvisionnement. Aujourd’hui, nos achats alimentaires ont parcouru en moyenne 650 kilomètres ! L’Île-de-France est un territoire agricole important mais peu maraîcher, majoritairement consacré aux cultures céréalières en agrochimie, essentiellement destinées à l’exportation et à l’alimentation animale. Nous manquons de filières courtes et de proximité en alimentation durable. Ainsi, nous avons pour ambition d’utiliser nos approvisionnements pour accompagner le développement d’une agriculture locale, écologique, diversifiée et socialement vertueuse.
Des villes comme Mouans-Sartoux ou Épinal sont sur la bonne voie…
Ce sont de très beaux exemples, mais ils sont difficilement comparables avec Paris, car notre restauration collective est assurée par 21 gestionnaires indépendants – crèches, caisses des écoles, Ehpad, restaurants solidaires, dans 1 300 établissements, où nous servons 30 millions de repas par an. Aussi, notre levier principal, c’est la puissance de la commande publique, qui offre une -visibilité importante aux agriculteurs et aux transformateurs puisqu’elle leur permet de se projeter sur plusieurs années. Notre -objectif de 100 % bio et/ou durable, dont 50 % provenant d’un lieu situé à moins de 250 kilomètres de Paris, a été adopté il y a un an par le vote, à l’unanimité, du Conseil de Paris.
Comment êtes-vous parvenus à ce consensus ?
Qui n’est pas si fréquent… Les débats ont longtemps achoppé, entre autres, sur l’alimentation non carnée. Le groupe Changer Paris (LR, centristes et indépendants) était opposé à notre volonté d’atteindre 40 % de repas végétariens, craignant qu’il ne soit atteint au détriment des protéines carnées. Mais nous avons beaucoup échangé, des amendements ont été adoptés. Nous sommes parvenus à « dépolitiser » le terrain de l’alimentation collective.
La volonté politique n’y suffira pas. Comment opérer votre mutation, en pratique ?
Nous sommes parvenus à “dépolitiser” le terrain de l’alimentation collective.
Nous avons présenté au Conseil de Paris, le 6 juin dernier, la création d’une association de coopération territoriale nommée AgriParis Seine, réunissant Paris, les métropoles du Havre, de Rouen et du Grand Paris, le département de la Seine-Saint-Denis, le Pôle d’équilibre territorial et rural de l’Yonne, ainsi que la régie Eau de Paris. Elle œuvrera à structurer des filières courtes, de proximité, bio et durables. Sa création découle d’un travail préparatoire lancé début 2021, qui a touché plus d’un millier de producteurs, transformateurs et distributeurs que nous avons rencontrés dans un rayon de 250 kilomètres autour de la capitale. La structure jouera un rôle de tiers de confiance entre les différents acteurs. Elle sera également un observatoire de l’offre et de la demande au sein de son périmètre d’intervention, pour accompagner la montée en puissance des filières dans les territoires, et pour adapter, en fonction de leur production, la commande de nos 21 gestionnaires de restauration. En outre, AgriParis Seine devra trouver des mécanismes financiers permettant d’accélérer cette mutation agroécologique, et porter le plaidoyer en faveur des agricultures les plus respectueuses des écosystèmes. Il ne s’agit pas de mettre Paris en surplomb des territoires qui l’environnent, mais de créer un outil d’entraide entre territoires producteurs et bassins essentiellement consommateurs.