Il faut updater ChatGPT !

Nous avons demandé au célèbre robot : « Êtes-vous destiné à remplacer les professeurs ? » Voici sa réponse et notre commentaire.

Laurence De Cock  • 3 juillet 2023 abonné·es
Il faut updater ChatGPT !
© Mohamed Nohassi / Unsplash.

Cet article est issu de notre nouveau hors-série : « Dessine-moi l’école publique ». Un numéro exceptionnel de 52 pages, à découvrir en kiosque et sur notre boutique en ligne !


ChatGPT : En tant qu’intelligence artificielle (IA) développée, mon but n’est pas de remplacer les professeurs, mais plutôt de fournir un soutien et une assistance supplémentaires dans le processus d’apprentissage. Les professeurs jouent un rôle essentiel dans l’éducation en offrant une expérience humaine, une interaction sociale et une expertise pédagogique qui ne peuvent être entièrement reproduites par une IA. Cependant, je peux être utilisé comme un outil d’apprentissage complémentaire. Par exemple, je peux fournir des explications supplémentaires, répondre à des questions spécifiques, proposer des exercices pratiques et aider les élèves à approfondir leur compréhension des sujets. Les professeurs peuvent intégrer des technologies comme moi dans leurs salles de classe pour améliorer l’expérience éducative globale. Il est important de reconnaître que l’apprentissage humain est multidimensionnel, impliquant des aspects émotionnels, sociaux et interactifs. Les professeurs apportent une richesse d’expérience et de compétences qui va au-delà de la simple transmission de connaissances.


Le commentaire de Laurence de Cock, historienne et enseignante

Apparemment, personne n’a prévenu ChatGPT du plan « École du futur » et de la passion que vouent ses concepteurs à l’intelligence artificielle. Pourquoi s’encombrer de vrais êtres humains rabougris, grévistes, coûteux, alors que l’avenir réside dans des petits robots programmables ? Ainsi, en décembre 2021, Jean-Michel Blanquer et Brigitte Macron n’avaient pas caché leur émotion en découvrant « Buddy », croisement entre « Nono le petit robot » et « E.T. téléphone maison » (pardon pour ces références très eighties), conçu pour permettre aux enfants malades de suivre les cours à distance. Ils avaient décidé illico de généraliser l’expérience dans toutes les académies. Et qui pourrait trouver à y redire ? N’est-ce pas formidable de permettre cette scolarisation à distance ? Sur le principe, oui, évidemment, mais que devient « l’expérience humaine » chère à notre camarade ChatGPT ? Car le ministre de l’Éducation et sa co-ministre de l’Éducation avaient oublié de mentionner que ces bestioles se substitueraient à des êtres humains formés pour l’enseignement en milieu hospitalier, attentifs, bienveillants, dotés de la capacité de sourire et d’une vraie main pour caresser les cheveux. Au lieu de cela, ils avaient préféré communiquer sur les miracles du numérique et de la modernité.

L’école du chacun-chez-soi

ChatGPT pourrait devenir un compagnon de route sympathique de notre école.

C’est d’ailleurs ce que fait le ministère depuis des années : la béatification de la technologie pour sauver l’école. Mettez « télé » devant chaque mot, et vous aurez un gouvernement en transe et au garde à vous. Le télé-enseignement ou encore la « télé-présence robotisée » font jubiler les apôtres de l’austérité qui rêvent d’une école du chacun-chez-soi, comme au temps de la « continuité pédagogique » sous covid. C’est pourquoi il faut d’urgence updater ChatGPT et le prévenir qu’il se destine à devenir la voix off de Buddy et que, hélas, son admiration pour le corps professoral n’est pas une donnée partagée en haut lieu. Bien sûr cela pourrait ne pas arriver. Dans notre école du futur à nous, les illuminés du numérique auront été renvoyés dans leurs pénates, où ils auront tout loisir de tester les tablettes et les ordinateurs fournis gratuitement aux élèves. Des objets dont l’autonomie de batterie n’excède guère trente-cinq minutes au bout de six mois, verrouillés à tout téléchargement, et dont la réparation requiert le remplissage d’un document kafkaïen et plusieurs semaines avant toute réponse – si tout va bien. Et alors, pourquoi pas, ChatGPT pourrait devenir un compagnon de route sympathique de notre école dépouillée d’une robotique inutile, et s’en tenir à son rôle d’outil de recherche sous le contrôle pédagogique de vrais êtres humains. 

Tout Politis dans votre boîte email avec nos newsletters !

Pour aller plus loin…

L’enseignant Kai Terada gagne sa réintégration contre le rectorat de Versailles
Justice 9 janvier 2025 abonné·es

L’enseignant Kai Terada gagne sa réintégration contre le rectorat de Versailles

Muté « dans l’intérêt du service » en 2022 par le rectorat de Versailles, l’agrégé contestait vivement cette mesure « sans fondement », accusant l’administration de discrimination syndicale. Ce 9 janvier, la justice oblige le rectorat à le réintégrer.
Par Pierre Jequier-Zalc
Au boulot les jeunes !
Éducation 9 décembre 2024 abonné·es

Au boulot les jeunes !

Dans leur film Au boulot !, Gilles Perret et François Ruffin filment les gueules cassées du monde du travail. Parmi eux, deux jeunes de Grigny, Mohammed et Iliès, symboliques du tri social opéré par l’Éducation nationale, de Parcoursup aux groupes de niveaux.
Par Laurence De Cock
Grève des agents périscolaires à Paris : « Nous sommes des essentiels invisibles »
Éducation 22 novembre 2024 abonné·es

Grève des agents périscolaires à Paris : « Nous sommes des essentiels invisibles »

En grève depuis mardi 19 novembre, le secteur périscolaire parisien a décidé de reconduire le mouvement ce jeudi 21 novembre. L’intersyndicale demande des évolutions statutaires mais aussi une amélioration globale des conditions de travail pour des métiers de l’animation, trop souvent précarisés.
Par Élise Leclercq
Mineurs étrangers isolés sans école : « Une discrimination raciale »
Reportage 21 septembre 2024 abonné·es

Mineurs étrangers isolés sans école : « Une discrimination raciale »

Une dizaine de mineurs étrangers non-accompagnés du collectif des jeunes du parc de Belleville ne sont toujours pas scolarisés, malgré leurs demandes incessantes. Ils se sont mobilisés mardi 17 septembre devant le rectorat de Paris.
Par Thomas Lefèvre