« Je suis le témoin principal des progrès de l’enfant »
Catherine R. relate ici son quotidien d’accompagnatrice d’élèves en situation de handicap. Et plaide pour une meilleure reconnaissance de cette profession indispensable.
Cet article est issu de notre nouveau hors-série : « Dessine-moi l’école publique ». Un numéro exceptionnel de 52 pages, à découvrir en kiosque et sur notre boutique en ligne !
Cela fait cinq ans que je suis accompagnatrice d’élèves en situation de handicap dans une école du Lot-et-Garonne. Quand j’ai commencé à exercer mes fonctions, il n’existait pas de cursus spécifique. J’ai été recrutée sur recommandation de Pôle emploi auprès de l’Éducation nationale. J’ai donc débuté sans aucune formation. Pour mon premier poste, je me suis occupée d’un garçon autiste de 6 ans, scolarisé en grande section de maternelle, qui attendait une place dans un centre. Heureusement, la maîtresse le connaissait bien et m’a expliqué comment l’aborder, ce qu’il aimait et ce qu’il n’aimait pas. J’étais un peu angoissée à l’idée de ne pas y arriver, de ne pas être à la hauteur, mais le contact s’est très bien passé entre nous. L’équipe enseignante a été déterminante. Elle m’a parfaitement accueillie et je me suis sentie très vite intégrée, comme si je faisais partie de la communauté éducative tout entière – ce qui était le cas, en réalité.
Au cours de la première année, j’ai suivi une formation obligatoire, chaque mercredi. J’ai rencontré beaucoup de professionnels travaillant avec des enfants autistes ou porteurs d’autres types de handicap. C’était passionnant. J’ai beaucoup appris et j’ai surtout gagné en confiance en moi. Les autres AESH que j’ai pu rencontrer lors de cette formation m’ont aussi beaucoup apporté. Comparer nos expériences a été très instructif. Je me suis rendu compte que les conditions dans lesquelles je faisais mes premiers pas n’étaient pas forcément en vigueur ailleurs. Beaucoup de mes collègues m’ont fait part du mépris dont ils faisaient l’objet de la part du reste de la communauté éducative, des enseignants notamment. Les fonctions que j’exerce, si elles sont dirigées vers les enfants, n’en restent pas moins encadrées par les enseignants. En ce sens, j’ai pleinement conscience que nous formons un collectif au service des enfants, sous l’autorité d’un enseignant. Mon rôle consiste à le seconder.
Pour accueillir dignement tous les enfants, le rôle des AESH est décisif.
La deuxième année, je me suis occupée d’une petite fille de 5 ans qui avait perdu l’usage de ses jambes. Le travail au quotidien était particulièrement physique, avec le poids de la fillette à soulever régulièrement. Mais j’ai aimé ce travail, je l’ai accompli avec autant de passion et d’enthousiasme. Dans le même temps, j’ai suivi un autre enfant autiste. Il ne parlait pas. Jamais ! Il était très énergique et difficilement contrôlable. J’ai vu les limites de mes fonctions. Il faut savoir s’adapter. Prendre le temps. Comprendre. Gagner en confiance. Et puis je suis parvenue à le calmer. Je lui chantais des chansons. Ça le rassurait. Sa famille était perdue, ne savait plus quoi faire. Elle a fini par lui trouver une place dans un centre spécialisé. Malgré tous les efforts de la communauté éducative, les enseignants ont estimé qu’il n’avait plus sa place à l’école. Dans notre école. Une telle décision est difficile à prendre, elle nous touche forcément en plein cœur.
Travail d’équipe
Et puis, il y a d’autres histoires. D’autres expériences qui nous donnent espoir. Depuis trois ans, je suis le même petit garçon autiste, du CP jusqu’au CE2 ! J’aime le voir progresser. Je suis le témoin principal de ses progrès. Tous les deux, nous formons une bonne équipe. Nous nous comprenons, nous nous apprécions, nous nous faisons confiance. À travers cette relation que nous avons nouée, c’est aussi celle avec le reste de la classe qui se dessine, progressivement. L’intégration n’est pas toujours simple, mais tout le monde apprend, évolue, se respecte. Il y a parfois des jalousies : certains élèves voudraient que je leur porte autant d’attention qu’à mes petits « protégés ». On ne pourra sans doute jamais mettre un adulte derrière chaque enfant, ce ne serait d’ailleurs pas souhaitable, mais il manque assurément la présence d’adultes plus nombreux afin d’offrir un meilleur accompagnement de tous.
Depuis que j’exerce le métier d’accompagnatrice d’élèves en situation de handicap, j’ai vu mes collègues changer. Mon avis est entendu, pris en compte. Et, bien que placée sous l’égide d’un enseignant, j’ai le sentiment d’être de plus en plus autonome. Chaque fin d’année scolaire se tient une réunion autour de l’enfant avec tous les professionnels qui l’encadrent – de l’infirmier au kiné en passant par l’ergothérapeute ou le psychologue – et bien sûr les parents. Devant ce collectif, je dois faire la synthèse de mois de travail et de notes accumulées. Ce rendez-vous est décisif pour la communauté éducative et pour l’élève. Pour l’élève surtout. Jamais je n’oublie que ce qui se joue à l’école est déterminant pour l’avenir des enfants. La reconnaissance de notre métier par le plus grand nombre est à ce titre essentielle. Parce qu’elle est d’abord la reconnaissance des enfants. Et de leur grande diversité !