« Groupes patriotes d’autodéfense » : les milices d’extrême droite en roue libre
Après la mort de Nahel à Nanterre, des milices d’extrême droite se sont constituées dans plusieurs villes de France, avec pour objectif affiché de se livrer à des ratonnades visant les jeunes en révolte.
Le week-end des 1er et 2 juillet, après plusieurs annonces sur les réseaux sociaux, l’extrême droite violente a commencé à sortir lors des nuits de révolte consécutives à la mort de Nahel, dans l’objectif affiché de s’adonner à des ratonnades et de viser les rassemblements contre les violences policières. Battes de baseball et barres en fer à Angers, « milice anticasseurs » sous le regard bienveillant de la police à Lorient, « groupes patriotes d’autodéfense » à Chambéry et Lyon… Ces groupes ont fait systématiquement des blessés.
Vendredi 30 juin, l’Alvarium, groupuscule dissous d’Angers et qui opère depuis sous le nom de RED, distribue coups de battes de baseball et de barres en fer. Ils réitèrent l’action tous les soirs suivants jusqu’à l’heure où nous écrivons, le 5 juillet. Pas inquiétés par les forces de l’ordre dans un premier temps, leur local a depuis été perquisitionné, notamment suite au travail d’identification du Réseau angevin antifasciste (Raaf) sur les réseaux sociaux. Pris pour cible par des jeunes participant aux révoltes lundi soir, le local a été défendu par des militants du RED, mais aussi par des membres du Groupe union défense (GUD), dont leur leader, Marc de Caqueray-Valmenier, identifié sur Twitter par le journaliste indépendant Sébastien Bourdon.
À Chambéry et à Lyon, des groupes d’entre 50 et 100 militants d’extrême droite cagoulés ont parcouru les rues samedi 1er et dimanche 2 au soir, aux cris de « Français réveille-toi, tu es ici chez toi » et « la France aux Français ». Le groupe de Chambéry serait, selon plusieurs sources, issu de l’Edelweiss, section locale du Bastion Social jusqu’à sa dissolution en 2019. Il s’agirait du même groupe qui avait organisé les rassemblements d’extrême droite suite au drame d’Annecy, le mois dernier. Sur des canaux d’extrême droite sur les réseaux sociaux, des photos de sang au sol ont été postées en lien avec leur sortie de samedi soir.
À Lyon, dimanche 2 juillet, la revendication est explicite puisqu’il s’agit de militants des Remparts2Lyon, héritier direct de Génération identitaire après sa dissolution en 2021, qui possède deux locaux dans le Vieux-Lyon, le bar La Traboule et la salle de boxe L’Agogé. Après avoir déambulé dans les rues vers la mairie en distribuant quelques coups, ils ont tenté, selon des témoins, de l’attaquer avant d’être dispersés à coups de gaz lacrymogène.
Enfin, à Lorient, plusieurs sources, dont le journal local Le Télégramme, ont rapporté une curieuse alliance entre les forces de l’ordre et une « milice anticasseurs », pour le moment non identifiée mais très relayée sur ces même canaux d’extrême droite. « On a laissé faire en début de soirée, parce que ça nous a soulagés », a confié un policier au quotidien breton Le Télégramme. Et trois membres de cette milice ont déclaré sur la station de radio locale Jaime qu’ils « se concertaient avec la BAC (brigade anti-criminalité, NDLR) qui [leur] disait où ne pas aller », appuyant la collaboration étroite.
Lorient abrite 4 000 militaires de la Marine nationale, et certains soupçonnent que des membres de cette milice soient fusiliers ou commandos marines. Une rumeur qui se répand sur les forums de discussions militaires. Selon nos confrères de Mediapart, l’armée a ouvert une enquête sur la milice aperçue à Lorient. Car si la loi française explique que « dans les cas de crime flagrant ou de délit flagrant puni d’une peine d’emprisonnement, toute personne a qualité pour en appréhender l’auteur et le conduire devant l’officier de police judiciaire le plus proche », la constitution de milices privées reste strictement illégale. Elle est d’ailleurs l’une des raisons de la dissolution de Génération Identitaire.
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