Ou pas ?
Partant du principe qu’il serait sans doute risqué de soutenir que les macronistes sont des menteurs, on considérera que c’est donc plutôt l’ONU qui ment lorsqu’elle dit et redit et redit qu’il y a en France un gigantesque problème de racisme et de violences.
dans l’hebdo N° 1766 Acheter ce numéro
Par les temps qui courent, et dans lesquels, parmi tant et tant d’autres étouffements de toute voix dissidente, une chanteuse – Izïa Higelin – est par exemple recherchée par la gendarmerie puis poursuivie par la justice pour avoir, en artiste, publiquement dit sur un mode assez vif l’aversion que lui inspire Emmanuel Macron, il serait sans doute un peu risqué de soutenir ici que les macronistes sont des serial liars – des menteurs en série.
Aussi postulera-t-on plutôt, et au contraire – dût-on passer pour trop pusillanime –, que le chef de l’État français et ses affidé·es ne mentent jamais, et que, par conséquent, Emmanuel Macron ne ment pas lorsqu’il soutient crânement, après avoir, dans les tout premiers mois de son règne, pris dans les poches des allocataires des APL de quoi minimiser le coût de la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune, qu’il n’est pas du tout le président des riches. Ou que, de la même façon, Emmanuel Macron ne ment pas lorsque, après avoir, durant sa campagne présidentielle de 2017, promis, juré, craché, ptou, ptou, qu’avec lui dans l’Élysée c’en serait fini pour toujours des honteuses violences policières qui ternissaient si fort l’image de la France, il soutient, sitôt qu’élu, que les violences policières n’existent pas, allons, allons, foin de ces calembredaines. Ou encore, et pour clore cette courte série, que l’excellente Mme Bergé – Aurore, de son prénom –, députée macroniste, ne ment pas lorsqu’elle soutient que non, décidément non, « la France n’est pas raciste ».
Évidemment, ce postulat entraîne certaines implications.
Prenons, au hasard, quelques récentes déclarations de l’Organisation des Nations unies, also known as l’ONU. En décembre 2022, cette vénérable institution – où siègent, en sus du nôtre, 192 pays – a demandé à la France de s’attaquer « de manière prioritaire aux causes structurelles et systémiques de la discrimination raciale présente dans l’État ». Puis elle a, le 1er mai dernier, demandé à la France d’en finir avec « les discriminations raciales et les violences policières ». Puis elle a, le 15 juin dernier, de nouveau demandé à la France d’en finir avec « les discriminations raciales et les violences policières ». Puis elle a, le 30 juin dernier, demandé à la France de se pencher enfin un peu sérieusement sur ses « profonds problèmes de racisme et de discrimination raciale parmi les forces de l’ordre ». Et elle vient encore, la semaine dernière, d’adopter « en urgence » une déclaration dénonçant « l’usage excessif de la force » par les polices françaises, et demandant à Paris d’adopter une législation qui « interdise le profilage racial ».
Et bien sûr, si nous postulons qu’Emmanuel Macron et ses séides ne mentent pas lorsqu’ils soutiennent qu’il n’y a en France aucun problème de racisme et aucun problème de violences policières, nous devons obligatoirement conclure que, lorsqu’elle dit et redit et redit qu’il y a en France un gigantesque problème de racisme et de violences, c’est l’ONU qui ment, effrontément.
Ou pas ?
Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.
Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.
Faire Un Don