Partage de la valeur : un faux-semblant

Le Medef se félicite de l’accord signé avec des syndicats sur le « partage de la valeur », qui entrera en vigueur au 1er janvier, lequel perpétue pourtant la dévalorisation de la condition des travailleurs.

Jean-Marie Harribey  • 12 juillet 2023
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Partage de la valeur : un faux-semblant
© Infrarate.com / Unsplash.

Le gouvernement a fait transcrire dans la loi l’accord signé entre le Medef et les syndicats CFDT, CFTC, FO et CFC-CGC sur le « partage de la valeur ». Cette loi oblige les entreprises de 11 à 49 salariés à mettre en place un dispositif de participation, d’intéressement ou de prime dite Macron. Il s’appliquera à partir du 1er janvier 2024 aux entreprises générant un bénéfice net d’au moins 1 % du chiffre d’affaires pendant trois ans de suite. Il s’agit d’étendre le dispositif existant depuis l’époque gaullienne pour les entreprises de 50 salariés et plus. 1,5 million de salariés seront concernés, s’ajoutant aux 9,5 millions qui perçoivent déjà ainsi quelque 23 milliards d’euros par an.

Le Medef s’est tellement félicité de l’accord obtenu des syndicats (sauf la CGT) qu’il faut en saisir la raison : ces dispositifs sont largement exonérés de cotisations sociales. Une aubaine pour ne pas parler d’une autre répartition de la valeur ajoutée et perpétuer le mythe de l’association capital-travail. Or, justement, cinq économistes viennent de réaliser une étude sur le sujet (1). Elle dit que, en France, au cours des cinquante dernières années de capitalisme néolibéral, la part salariale dans la valeur ajoutée brute (VAB) des sociétés non financières (SNF) est passée de 69 à 65 %. Cette baisse n’apparaît plus lorsqu’on examine le partage de la valeur ajoutée nette, une fois déduit de la VAB l’amortissement du capital productif. C’est le point fort de cette étude montrant la hausse importante de la part de la consommation de capital fixe (de 14 à 22 % de la VAB des SNF). La principale cause est le renouvellement accéléré des outils matériels et immatériels de production à l’ère de l’informatique et de la robotique. Il en résulte une forte baisse de la part de l’investissement net.

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« Partage de la valeur ajoutée : en 30 ans, la part revenant aux salaires s’est érodée », les Économistes atterrés. Les auteurs y expliquent que le champ des SNF correspond à celui où le rapport capital-travail est décisif dans l’économie.

On comprend ainsi trois choses : 1) la diminution jusqu’à presque zéro de la progression de la productivité du travail dans une période où s’est opéré aussi un basculement de l’économie vers les services ; 2) l’aveuglement sur le court terme des grandes sociétés au lieu de penser les investissements de transition écologique ; 3) la pression sur les travailleurs pour rattraper sur leur dos une rentabilité émoussée. Dès lors, le partage de la valeur façon Medef est un faux-semblant qui perpétue la dévalorisation de la condition des travailleurs, auxquels on préfère concéder des primes plutôt que du salaire, dont on réduit le droit à la retraite, pendant que les allocations-chômage régressent et sont soumises à des conditions très dures. À l’opposé de cette politique en trompe-l’œil, notre étude montre une autre voie : réduction drastique des dividendes et rachats d’actions pour améliorer les bas salaires et investir pour un avenir sobre, fiscalité beaucoup plus progressive en y intégrant les revenus du capital, et reprise de la tendance historique à la réduction du temps de travail.  

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