« Avant cette année-là, nous n’étions parties qu’une fois en vacances »
Myriam, mère célibataire avec deux enfants, a bénéficié de l’aide « vacances solidaires » de Gennevilliers. Elle raconte.
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Selon les enquêtes, entre 35 % et 40 % des Français ne sont pas partis en vacances, faute de moyens suffisants. Avec l’inflation et l’augmentation du coût de la vie, les familles – notamment monoparentales – s’interdisent cette coupure que certains à gauche voudraient consacrer comme un droit : « le droit aux vacances pour tous ». Pour atteindre l’objectif, certaines collectivités ont mis en place des « vacances solidaires » pour permettre à leurs habitants de quitter le foyer à moindres frais. C’est le cas de la mairie de Gennevilliers. Myriam, mère célibataire avec deux enfants, a bénéficié de cette aide.
J’ai 27 ans et je suis maman de deux enfants de 4 et 7 ans que j’élève seule, sans aucune aide du père. J’habite à Gennevilliers, dans les Hauts-de-Seine, et, depuis sept ans, je bénéficie des bons « vacaf », un dispositif d’aide pour les vacances, mais je ne les avais jamais utilisés les premières années. D’abord parce que j’avais un peu peur de me retrouver dans des endroits qui ne me plaisaient pas. Des endroits bizarres. Il était question d’aide pour aller dans des campings et pour moi, le camping, c’était la toile de tente. J’étais mal renseignée. Et puis j’avais un peu dans l’idée que les vacances, ça se résumait surtout à partir à l’étranger. Mais, il y a trois ans, j’ai reçu un mail de la mairie me proposant un voyage au bord de l’océan, en Vendée. Je venais d’avoir ma deuxième fille et j’étais vraiment limitée en termes de budget. Je me suis dit : pourquoi pas ?
Une semaine de vacances pour nous trois m’a coûté 250 euros, avec les bons « vacaf ». C’était très avantageux. Nous avions pris le car, qui m’a coûté 17 euros pour nous trois. Il nous a déposées devant notre lieu de villégiature. En arrivant, j’ai été surprise par la qualité de l’accueil et de l’endroit. On était dans un mobile home, à côté de la plage et de la piscine. Il y avait tout ce qu’il fallait pour les enfants et la famille. Une amie nous a rejointes et on a découvert la Vendée. Les enfants ont adoré. Ça nous a vraiment fait du bien. Avant cette année-là, nous n’étions parties qu’une fois en vacances.
Pour nous, familles monoparentales, c’est vraiment bien de pouvoir bénéficier de ces aides.
Comme ce premier voyage m’a beaucoup plu, j’en ai parlé à ma petite sœur et on a recommencé. Cet été, nous sommes allées sur l’île d’Oléron. Ça m’a coûté 280 euros que j’ai pu payer en deux fois : ça me permet de moins le sentir dans le budget mensuel. Sur place, nous avons rencontré quelques difficultés. Je pense qu’ils nous ont un peu prises pour des « cas soc’ » du fait que nous venions avec l’office municipal des loisirs (OML) de Gennevilliers. Les directeurs du camping étaient vraiment gentils mais à la réception on nous a envoyées balader quand on a demandé un tapis de bain. Je leur ai dit « je vous le paye s’il le faut », mais ils n’ont pas voulu. Je ne comprends pas bien pourquoi. À Paris, je suis gouvernante en hôtellerie de luxe. Je travaille à côté des Champs-Élysées. Alors évidemment ce n’est pas la même chose, mais tout de même : quand on me dit qu’il n’y a pas de tapis de bain dans des lieux de vacances, ça m’étonne.
Les enfants ont aussi voulu faire du poney et ça a été compliqué : on s’est heurtées à un manque de coopération du fait que je ne portais pas de chaussures fermées alors que je ne participais pas à l’activité. On s’est fait chasser du club de poneys comme des malpropres. « Allez hop, ça dégage », nous a-t-on dit. Si on n’avait pas été étiquetées « OML de Gennevilliers », je pense que ça aurait été différent. Mais, comme je suis d’origine maghrébine, je ne sais pas. Peut-être que c’était lié à ça. À part ça, nous avons passé un bon séjour. Nous avons fait plein d’activités : on a visité Fort Boyard et l’île d’Aix à un tarif préférentiel. On a pris le ferry. On a visité le musée de Napoléon. Les enfants ont adoré, ils n’ont pas trop senti les moments désagréables.
Ce qui est sûr, c’est que je n’aurais pas pu faire ça sans l’OML. Pour nous, familles monoparentales, c’est vraiment bien de pouvoir bénéficier de ces aides. Ça nous permet de faire voyager nos enfants. Pour moi, les vacances, c’est en famille, pour partager des moments et nous retrouver.
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