La Belgique contre les féminicides
Le Parlement fédéral belge a adopté une ambitieuse loi contre les féminicides, historique à plus d’un titre.
dans l’hebdo N° 1772 Acheter ce numéro
Il y a des victoires dont on peut objectivement se réjouir. Parmi celles-ci, l’adoption, le 29 juin, par le Parlement fédéral belge de la loi « stop féminicide » sous l’impulsion de Sarah Schlitz, secrétaire d’État à l’Égalité des genres jusqu’en avril dernier, puis de Marie-Colline Leroy, qui lui a succédé. Bien que n’étant pas le premier texte voté sur cette question en Europe – on pense ici tout particulièrement à l’action pionnière de l’Espagne, qui met en place une loi organique, dès 2004, considérée, à juste titre, comme un modèle dans la lutte contre la pandémie de féminicides –, la loi belge n’en est pas moins historique, et ce pour plusieurs raisons. Prenant appui sur la recherche internationale de pointe, la loi « stop féminicide » s’inscrit d’abord dans une volonté affirmée de définir avec précision les termes utilisés (rôle de genre, perspective de genre, violences fondées sur le genre, violences intrafamiliales, contrôle coercitif…) tout en sortant le féminicide de la seule catégorie de « crime par un partenaire intime » dans laquelle il était jusque-là cantonné.
Ainsi la loi reconnaît-elle quatre formes distinctes de féminicides : « le féminicide intime commis par un partenaire ou par un membre de la famille, le féminicide non intime lié à un contexte d’exploitation sexuelle ou de traite des êtres humains, de violences sexuelles ou dans le cadre d’un continuum de violences en lien avec une relation de pouvoir inégale ou d’un abus de pouvoir, le féminicide indirect causé par des pratiques imposées aux femmes et qui conduisent à leur mort (mutilation génitale, avortement forcé, suicide forcé…) et la tentative de féminicide évitée par des circonstances indépendantes de la volonté du féminicidaire ». Cette définition extensive du féminicide, enfin reconnue dans une loi européenne, permet de saisir son caractère systémique et non conjoncturel, massif et non individuel, sociétal et non isolé.
La loi belge prend acte du fait que la logique punitive ne pourra à elle seule résoudre le problème des féminicides.
Pour mieux éclairer, documenter et analyser le féminicide, la Belgique, en sus de son Institut pour l’égalité des femmes et des hommes (créé par la loi du 16 décembre 2002), se dote d’un comité scientifique de haut vol dont l’objectif revendiqué est, à partir d’une vaste et extensive collecte de données (en particulier le nombre de plaintes, de dépositions, de classements sans suite, d’instructions et de condamnations ainsi que leur classification en catégories et types), de produire un rapport et des statistiques annuels mais aussi des recommandations pour des politiques publiques plus protectrices et une chaîne répressive en même temps plus efficace et plus humaine (en particulier pour les covictimes que sont les enfants). Centrée sur les victimes, la loi belge prend acte cependant du fait que la logique punitive ne pourra à elle seule résoudre le problème des féminicides. Pour ce faire, une prise de conscience massive, indexée sur des politiques offensives de prévention et d’éducation, est nécessaire. En attendant, la loi « stop féminicide », ambitieuse, profondément féministe, est une loi qui nous fait du bien.
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