Restons fair-play
Il est tout à fait possible de reconnaître le talent, la conscience professionnelle et la constance de politiciens de droite. Dont, parmi eux, l’emblématique Fabien Roussel, qui met, on ne peut le nier, beaucoup de cœur à l’ouvrage.
dans l’hebdo N° 1773 Acheter ce numéro
Alors toi, je ne sais pas, mais moi, je trouve que le fait que nous soyons plutôt de gauche ne devrait pas non plus nous empêcher de rester fair-play – et de reconnaître, par exemple, qu’il peut arriver que des politiciens de droite fassent preuve, dans une époque marquée par une relative désaffection pour la chose publique, d’un engagement et d’un investissement qui forcent l’admiration.
Le cas de Fabien Roussel est de mon point de vue l’un des plus emblématiques : ses postures et propos peuvent, certes, énerver (ou dégoûter), mais personne ne peut lui reprocher de ne pas faire montre d’une impressionnante conscience professionnelle et d’une irréprochable constance.
Des milliers de flics se rassemblent devant l’Assemblée nationale pour écouter le secrétaire national d’un syndicat de policiers brailler que « le problème de la police, c’est la justice » ? Fabien est dans l’assistance, non loin de Gérald Darmanin – et des représentants d’un parti cofondé notamment par un ex-milicien et un ancien Waffen SS.
Des scientifiques démontrent, à maintes et maintes reprises, que la consommation de viande est littéralement catastrophique pour la planète ? Des progressistes s’émeuvent de ce que d’aucun·es, parmi nous, continuent très tranquillement à massacrer des animaux à la seule fin de les mâcher ? Fabien s’énerve et se met à brailler, sous les hourras des droites, que rien ne vaut une bonne viande bien d’chez nous, assassinée avec amour dans un p’tit élevage bien françousque, et qu’il ne va surtout pas laisser les « bobos » des villes emmerder les (trois) cocos des champs (qui n’ont pas encore déserté le centralisme démocratique) – NON MAIS OH, TU T’ES CRU OÙ, AVEC TA LENTILLE ROSE ET TA PAIRE DE VEJA ?
Une journaliste de B(usiness)FMTV lui demande, quelques heures après qu’il a vitupéré contre les « frontières passoires », si cela signifie qu’il faudrait selon lui « contrôler davantage l’arrivée des travailleurs, des migrants » et s’il « faut être plus ferme ». Fabien lui répond : « Oui, plus ferme, oui. »
Un ministre macroniste vautré dans l’islamophobie institutionnelle, éminent représentant d’un pouvoir qui s’applique depuis six ans à creuser un boulevard devant l’extrême droite, décrète à la toute fin d’un dimanche de la toute fin d’août que ce régime interdit désormais le port de l’abaya dans les écoles de la République ? Fabien, invité matutinal d’une radio réactionnaire où il a bien évidemment des entrées, trouve ça tout à fait bien et déclame, vingt-quatre heures après avoir soutenu que son parti ne tolérerait jamais la moindre « complaisance » pour le racisme, qu’il « approuve » cette nouvelle discrimination.
Alors oui, je le répète : pour ce qui me concerne, je suis impressionné par le cœur que Fabien met à son ouvrage. Par son application à flatter, au sein de ses auditoires, des instincts dégoûtants.
Mais je suis surtout bien content qu’il continue à se raconter qu’il a un destin personnel, loin de toute union de la gauche : on se sent quand même beaucoup, beaucoup, beaucoup mieux quand il est un peu loin.
Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.
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