Boboter sans excès
Où notre chroniqueur « de bonne humeur » répond à Paul, un lecteur qui se désabonne suite à une chronique sur Fabien Roussel, ce secrétaire national du PCF qui aime bien ricaner des catastrophes climatiques.
dans l’hebdo N° 1776 Acheter ce numéro
Paul, lecteur, n’est pas content du tout. Il est même si fâché contre moi qu’il va, je cite, « résilier (s)on abonnement à Politis ». Motif : une chronique du mois dernier dans laquelle j’ai commis un crime de lèse-secrétaire national du Parti communiste français (SNDPCF) en rappelant quelques faits et gestes de Fabien Roussel – dont même Le Monde a récemment constaté (le moyen de faire autrement) qu’il faisait « souvent figure d’homme de gauche préféré de la droite ».
Je mentionnais par exemple sa propension à proclamer, alors même qu’il est amplement démontré que la consommation de viande est catastrophique pour la planète et que nous sommes un certain nombre à nous épouvanter de ce que tant d’humain·es continuent très tranquillement à massacrer des animaux à la seule fin de les manger, que rien ne vaut une bonne viande bien de chez nous, assassinée dans un p’tit élevage bien français, et qu’il ne va certainement pas laisser les « bobos » végés des villes emmerder les prolos des champs – chez qui le SNDPCF, sur la foi d’une conviction où pourrait presque se deviner l’amorce du commencement d’un début de quelque chose qui pourrait éventuellement ressembler à du mépris de classe, présuppose donc une addiction à la viande, en même temps qu’une insensibilité aux arguments (éthiques, environnementaux, sanitaires) de celles et ceux qui ont fait une croix sur l’ingestion d’animaux morts.
Après s’être penché de près sur mon cas – selon lui désespéré –, Paul, lecteur, formule ce diagnostic assuré : je suis un « ’bobo’ de base ». (Qui, par surcroît, pioche ses vannes pourries sur BFMTV : tu visualises le niveau de misère.)
Non, décidément : Roussel n’est pas un camarade.
Du coup, Paul, si tu veux bien, je vais encore aggraver mon cas, parce que, justement, je viens de découvrir dans Libé les toutes dernières saillies de Fabien Roussel, qui, pour se gausser de Sandrine Rousseau après qu’elle avait osé rappeler pendant l’été, à très bon droit, que la consommation de viande avait un impact évident sur le dérèglement climatique, a d’abord proféré ceci : « J’ai encore mangé une bavette aujourd’hui. Ça va brûler en Afrique ? » Puis, juste après, ceci, après que son interlocuteur lui a rappelé qu’il mange aussi de la tête de veau : « Ah oui ! Ça, ça vaut au moins un tremblement de terre à Haïti. »
Et je ne voudrais certes pas boboter à l’excès, mais franchement, Paul ? Quand je vois qu’il réussit là l’exploit de ricaner de catastrophes terrifiantes où des centaines de milliers de victimes ont péri, tout en alimentant un climatoscepticisme dont nous savons qu’il fait déjà d’immenses ravages, je me dis – à l’unisson, si j’en crois les échanges que je vois parfois passer, d’un certain nombre de militant·es du PCF – que, pour ce qui me concerne, non, décidément : Roussel n’est pas un camarade.
Post-scriptum. Bertrand, lui, m’a écrit « un petit mot » pour me recommander la lecture d’un livre dont je n’avais jamais entendu parler : La Rivière, de Peter Heller. Qui, de fait, a l’air tout à fait bien. Et dont je vais donc de ce pas faire l’acquisition : merci, camarade.
Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.
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