Emmanuel Macron lance une OPA hostile sur l’éducation
Emmanuel Macron veut consacrer une partie de son second mandat à réformer l’école. Le président veut aussi prendre de court l’extrême droite, quitte à focaliser l’attention sur un sujet mineur comme l’abaya et le qamis.
C’est entendu, l’éducation nationale est le nouveau « domaine réservé » d’Emmanuel Macron, à l’instar des affaires étrangères ou de la défense. Le président a multiplié les déplacements et les annonces sur le sujet, au point d’être qualifié de « superministre de l’Éducation ». « L’école est un sujet central, confirme un proche du chef de l’État à Politis. C’est un véritable enjeu de société et le président entend bien y consacrer une partie de son second mandat ». Le locataire de l’Élysée fixe les grandes lignes : la formation des profs post-bac, les nouveaux horaires, la durée des vacances.
Vendredi 31 août, il a aussi lancé la réforme du lycée professionnel (Politis prépare un dossier sur le sujet), dont il souhaite faire une « filière d’excellence », comme il l’a mentionné lors d’un déplacement dans le Vaucluse. La veille, le président annonçait le report des épreuves de spécialité du baccalauréat dans Le Parisien, une mesure mise en place par Jean-Michel Blanquer, honnie des syndicats d’enseignants.
Le microsujet qui cache la forêt
Gabriel Attal, lui, a hérité du dossier de l’abaya et du quamis. La première, une longue tunique féminine portée traditionnellement chez les Bédouins, le second, un vêtement masculin traditionnel de l’Arabie saoudite, seraient à la mode chez les adolescents de confession musulmane. Le nouveau ministre de l’Éducation nationale a créé la surprise en annonçant, au nom de la laïcité, leur interdiction dans une note envoyée aux chefs d’établissement le 31 août. Ce 4 septembre, jour de rentrée des classes, le cabinet du ministre a fait du zèle. Les journalistes ont reçu un SMS ou un mail pour les inciter à s’intéresser à huit établissements considérés comme « à problèmes ». Message reçu pour une partie d’entre eux, au moins.
C’est un sujet régalien, nous n’allons pas attendre le Rassemblement national pour nous en emparer.
Karl Olive, député Renaissance
« C’est voulu, glisse un conseiller, le but est d’attirer l’attention sur un sujet, certes mineur, mais qui peut pourrir la vie des enseignants et du personnel de direction. » Preuve que le gouvernement ne relâche pas la pression, Gérald Darmanin demande désormais aux préfets de « soutenir les chefs d’établissements, avec l’aide des forces de l’ordre si nécessaire », « pour faire respecter l’interdiction de l’abaya et disperser d’éventuels rassemblements », révèle Le Figaro. « Vous interviendrez avec tact et modération » (sic), précise le ministre de l’Intérieur, comme pour se dédouaner d’attiser les tensions.
Cette nouvelle préoccupation du gouvernement n’est pas sans arrière-pensées électorales. « Tout le monde s’en empare, d’Emmanuel Macron à Élisabeth Borne en passant par notre groupe, déclare le député Renaissance Karl Olive à Politis. C’est un sujet régalien, nous n’allons pas attendre le Rassemblement national pour nous en emparer. Nous sommes tous mobilisés », affirme l’élu, par ailleurs membre de la commission des affaires culturelles et de l’Éducation à l’Assemblée. Reste qu’il s’agit d’un « microsujet », comme le reconnaît un conseiller.
Le RN se frotte les mains
Emmanuel Macron a aussi promis « un professeur derrière chaque élève » : « Un professeur derrière chaque classe serait déjà un exploit », soupire un autre député de la majorité, qui reconnaît que l’abaya et le qamis sont « un peu l’arbre qui cache la forêt ». Il manque en cette rentrée 2 000 professeurs pour concrétiser la promesse présidentielle. Autre sujet, majeur celui-là, le pacte enseignant, qui ne tient pas ses promesses de revalorisation salariale, selon les syndicats d’enseignants.
Ce que nous prônons depuis des années pour le respect de la laïcité, pour freiner l’offensive islamiste, est entendu.
Le porte-parole du RN
Aucun incident concernant l’abaya et le qamis n’ont été signalés à la mi-journée ce 4 septembre. « Globalement tout se passe bien pour cette rentrée », affirme Élisabeth Borne lors de son déplacement dans une école en Ille-et-Vilaine. La première ministre, accompagnée de Gabriel Attal, s’est déplacée en jet de la République pour visiter l’établissement, pourtant à 1 h 30 en train de Paris, selon Le Télégramme.
En attendant, le Rassemblement national se frotte les mains : « Enfin, on nous écoute, se réjouit le parti de Marine Le Pen ce matin sur France Info, via son porte-parole Laurent Jacobelli. Ce que nous prônons depuis des années pour le respect de la laïcité, pour freiner l’offensive islamiste, est entendu ». Et maintenant ? « On ne s’interdit rien », assure un proche d’Emmanuel Macron. Pour le meilleur et pour le pire… De leur côté, les syndicats d’enseignants ont d’ores et déjà annoncé une grande journée de mobilisation le vendredi 13 octobre.
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