« C’est toute la CGT qui est attaquée »
Plusieurs centaines de personnes se sont rassemblées devant la gendarmerie de Montmorency mercredi 6 septembre, pour dénoncer la convocation de Sébastien Menesplier, secrétaire général de la Fédération CGT des mines et de l’énergie (FNME). Une première qui démontre une nouvelle stratégie répressive.
« Nous vivons une répression inédite depuis les années cinquante au moment de la mobilisation de la CGT contre la guerre en Indochine », a lancé Sophie Binet, la secrétaire confédérale de la CGT ce mercredi 6 septembre, devant un parterre de militants rassemblés sous les grilles de l’entrée de la gendarmerie de Montmorency dans le Val d’Oise. Les militants étaient venus des quatre coins de la France et de plusieurs fédérations, voire d’autres syndicats (FO, FSU, Solidaires…), pour soutenir Sébastien Menesplier, le secrétaire général de la Fédération nationale des Mines et de l’Énergie CGT (FNME-CGT), dite aussi CGT Mines-Énergie.
Ce dernier, membre du bureau confédéral de la CGT, était convoqué par la gendarmerie, en tant que personne morale pour une action de coupure d’électricité opérée par la CGT Mines-Énergie en mars dernier sur la commune d’Annonay dans l’Ardèche, le fief d’Olivier Dussopt, ministre du Travail, pendant la mobilisation contre la réforme des retraites. L’infraction reprochée : « mise en danger d’autrui par personne morale (risque immédiat de mort ou d’infirmité) par violation manifestement délibérée d’une obligation réglementaire de sécurité ou de prudence », punie de 75 000 euros d’amende.
En tapant sur la fédération, c’est clairement la responsabilité de la CGT qu’ils vont chercher.
Jérôme Borzakian, avocat.
C’est au titre de ses responsabilités au sein de la CGT et non d’une participation active personnelle, parce que l’action a été revendiquée par la CGT Mines-Énergies, que Sébastien Menesplier était convoqué ce mercredi, soupçonné de l’avoir organisée. Pour la CGT, cette convocation constitue un « cran » supplémentaire dans la répression gouvernementale contre le mouvement syndical. « Ça fait 25 ans que je défends la CGT et je n’ai jamais vu ça, s’étouffe Maître Jérôme Borzakian, l’avocat du responsable syndical. On tente de le mettre en cause en tant que représentant légal de la fédération avec l’idée finale de poursuivre la FNME. Jusque-là, ils se sont fait les salariés, maintenant ils veulent se faire les structures. C’est ce qui est ressorti du sens des questions des gendarmes. »
« Un ruissellement de la répression »
D’après lui, ces questions se sont concentrées sur la responsabilité de la fédération dans l’organisation de l’action. Or, « une fédération n’a pas de personne physique adhérente. Il n’y a donc pas d’instruction qui émane d’elle : les syndicats qui en sont membres sont autonomes, même si la fédération assume les actions d’un point de vue symbolique, quand elles sont décidées en AG », explique l’avocat. D’après Me Borzakian, le parquet de Privas (Ardèche) « tente un coup » : « Ils veulent changer de paradigme. Or il n’y a pas de jurisprudence sur le sujet. C’est totalement nouveau. En tapant sur la fédération, c’est clairement la responsabilité de la CGT qu’ils vont chercher. »
Cédric Liechti, de la CGT Mines-Énergie de Paris, en est aussi convaincu : « On tape le plus haut responsable de la fédération pour criminaliser toute la structure. L’objectif stratégique est clair et inédit : nous mettre à genoux financièrement et tenter de s’engager dans la voie de potentielles dissolutions de branches, en les criminalisant ». Une mécanique nouvelle qui inquiète les syndicalistes de la base. « C’est toute la CGT qui est attaquée : on nous traite de terroristes, on nous prend pour des voyous alors que nous défendons l’intérêt collectif notamment des salariés, s’agace Olivia, de la CGT Mines-Énergie de Rouen. On n’est jamais dans l’opposition dogmatique et stérile, on propose toujours des contreprojets. Ce gouvernement est débridé et refuse de débattre et de trouver des compromis. »
Cette mécanique s’inscrit dans un discours managérial de dépolitisation de la lutte sociale.
Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT
À l’occasion de sa prise de parole, Sophie Binet a dénoncé un « ruissellement de la répression » et rappelé que 400 cégétistes ont fait l’objet de plaintes pénales suite à leurs actions militantes et plus d’un millier d’une répression syndicale dans et en dehors de l’entreprise. « Cette mécanique s’inscrit dans un discours managérial de dépolitisation de la lutte sociale. Quand il y a un conflit social, il y a une conflictualité que nous assumons et qui ne se règle pas dans les tribunaux ou par la répression. Le gouvernement ne propose aucune réponse sur le fond ! »
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