« Nous n’avons jamais dit que Ségolène Royal conduirait la liste LFI »

Une déclaration officielle de la France insoumise publiée ce jour écarte finalement l’hypothèse Royal aux européennes. Entretien avec Manon Aubry, désignée coordinatrice de la campagne européenne pour LFI.

Lucas Sarafian  • 5 septembre 2023
Partager :
« Nous n’avons jamais dit que Ségolène Royal conduirait la liste LFI »
Manon Aubry, à Paris, le 22 février 2023.
© STEPHANE DE SAKUTIN / AFP

Elle croit fermement que le débat n’est pas terminé. L’eurodéputée Manon Aubry se donne pour objectif de construire l’union de toutes les gauches. Elle confirme à Politis l’abandon de l’hypothèse Royal et renouvelle l’offre de la tête de liste aux écologistes. Tout en prenant conscience que l’acte 2 de la Nupes est « au point mort ».

Dans un communiqué, vous maintenez votre offre d’une liste Nupes aux européennes. Pourquoi cet entêtement vu que les communistes et les écologistes n’en veulent pas ?

Manon Aubry : C’est la seule manière de l’emporter face aux deux autres blocs : la Macronie et l’extrême droite. Soit on considère que 2024 est une opportunité historique qui peut structurer la vie politique dans la durée, soit on prend le risque de jouer une bataille de petits chevaux pour se piquer un ou deux sièges. À l’heure où un arc réactionnaire se renforce de la droite à l’extrême droite partout en Europe, la Nouvelle union populaire, écologique et sociale (Nupes) devrait incarner l’alternative mais elle n’est, pour le moment, pas à la hauteur. Contre ceux qui nient le dérèglement climatique, attaquent l’IVG et les libertés, veulent démonter les services publics et l’État social, on n’a pas le droit d’être désuni. On ne nous le pardonnera pas.

On n’a pas le droit d’être désuni. On ne nous le pardonnera pas.

Y croyez-vous vraiment ?

Oui ! On mène des combats au quotidien ensemble au Parlement européen, contre le glyphosate, contre les accords de libre-échange, pour la taxation des superprofits, pour l’accueil des exilés. On vote à plus de 80 % la même chose, ce qui est plus qu’à l’Assemblée. Et on a signé ensemble un programme en 2022 : 650 propositions, avec un chapitre entier sur l’Europe, sans nuances. Bien sûr, tout peut être retravaillé, complété, précisé. Mais pour s’inscrire dans la lignée de l’espoir créé par la naissance de la Nupes il y a un an, il faut écouter ces 82 % d’électeurs qui attendent une union des gauches en 2024 (selon le sondage de Cluster 17 publié le 22 août, N.D.L.R.). Ce ne sont pas des « forceurs » mais plutôt des éclaireurs. Il ne faut pas que les batailles d’appareil les condamnent.

EELV a déjà désigné sa tête de liste, Marie Toussaint. Et le PCF a choisi son chef de file, Léon Deffontaines…

Tant que les listes n’ont pas été déposées, il reste un espoir. Il n’est pas encore interdit de convaincre les formations et les militants. Nous avons encore largement le temps, les élections sont dans 9 mois. L’idée de l’union fait son chemin, je suis confiante.

Les écologistes ont pourtant l’air bien décidé à ne plus discuter. Le 20 août dans Le Parisien, Marine Tondelier a donné « rendez-vous » à la Nupes en septembre 2024, donc trois mois après le scrutin des européennes.

En juin 2022, on a eu un flirt qui a permis de faire élire plus de 150 députés de gauche et de permettre à chaque parti de la NUPES de disposer de son propre groupe. Si on veut construire un amour solide et durable, on ne donne pas de rendez-vous deux ans plus tard. Ça n’a pas de sens ! C’est pour cela que je vais mener au nom de la France Insoumise une campagne pour l’union dans les semaines à venir : il est urgent de se rassembler.

Sur le même sujet : L’union et le pudding

Le débat n’est-il pas déjà réglé ?

La question de l’unité a progressé. Les jeunes écologistes, insoumis et socialistes travaillent ensemble pour nous montrer que la construction d’un programme partagé est possible. Dans Politis, Olivier Besancenot pose la question de l’union. Des voix écologistes comme Sandrine Rousseau ou Julien Bayou sont favorables à l’ouverture de discussions. Chez les socialistes, Jérôme Guedj, Philippe Brun aussi. Benoît Hamon et Ségolène Royal, qui ont été les candidats socialistes lors de deux présidentielles, ont pris position pour un rassemblement. Dans l’ensemble de notre camp, le débat est posé et il n’est aujourd’hui absolument pas tranché !

Dans un communiqué publié ce jour par LFI, vous renoncez finalement à l’hypothèse Ségolène Royal pour conduire une liste unitaire. Pourquoi ?

Toutes les initiatives qui visent à poser le débat sur l’union pour les européennes sont les bienvenues. On nous a en revanche prêté l’intention de vouloir une liste France Insoumise emmenée par Ségolène Royal. Ce n’est pas ce que nous avons dit et que nous avons clarifié dans un communiqué. Notre objectif est de convaincre d’une liste commune et pour cela on a besoin de déclencheurs, en quelque sorte de tire-bouchon pour ouvrir la bouteille de l’union, mais nous sommes bien sûr très attentifs au breuvage. Le débat sur l’union est relancé et c’est tant mieux, mais il y aura d’autres propositions de candidature pour l’incarner. Et la logique, nous l’avons toujours dit, est avant tout de discuter de la tête de liste avec les écologistes qui sont légitimes pour la demander. Cette proposition tient toujours.

Comment expliquez-vous que les organisations de jeunesse aient réussi à travailler ensemble et pas vous ?

Les jeunes ont réussi à mettre de côté les logiques d’appareil. Ce qui les préoccupe d’abord, c’est la précarité étudiante et le chaos climatique. Ils n’ont pas le temps d’attendre, pour un ISF climatique, pour la fin des pesticides, pour la défense des droits des femmes, pour refuser le retour de l’austérité, pour qu’on arrête le tout concurrence et le tout marché. Ils savent qu’à la fois en France et en Europe, on doit mener ensemble tous ces combats. Ils ont raison et on devrait suivre leur exemple. J’invite tout le monde à se mettre autour d’une table et discuter des batailles qui nous attendent au Parlement européen.

Est-ce que les désaccords se justifient aussi sur le plan idéologique ?

À Strasbourg et à Bruxelles, nous avons mené des combats communs depuis le début du mandat. On continuera jusqu’à la fin, par exemple pour bloquer l’accord commercial avec la Nouvelle Zélande, empêcher le renouvellement de l’autorisation du glyphosate, préserver les tarifs réglementés de l’électricité aujourd’hui mis en danger, refuser le retour des règles d’austérité qui étaient suspendues. Il y a quelques mois à l’Assemblée nationale, tous les députés de la Nupes ont voté une proposition de loi socialiste pour la renationalisation d’EDF qui contrevient au droit de la concurrence européen. Cela montre aussi que nous sommes d’accord sur la désobéissance car pour l’appliquer, il faudrait refuser de respecter certaines règles européennes. Les débats sur le fédéralisme sont théoriques : depuis 4 ans, combien de fois avons-nous voté sur cette question ? Zéro. Réunissons-nous sur du concret.

Sur le même sujet : Européennes : l’ombre de l’éparpillement à gauche 

Comment souhaiteriez-vous que la Nupes évolue ?

Dans un premier temps, il faut structurer cette coalition localement pour lui donner une réalité quotidienne. La Nupes, c’est avant tout des militants de gauche qui se reconnaissent dans cette alliance, au moins autant que dans un des partis politiques qui la composent. Ensuite, il faut mettre en place une agora pour relier nos organisations avec la société civile, les universitaires, les associations, les syndicalistes, les artistes, et les ONG. On a une rentrée sociale qui nécessite également d’être ensemble dans la rue, le 23 septembre contre les violences policières, en octobre pour les salaires aux côtés des syndicats. Et enfin, il faut bien sûr continuer à se présenter sous une même bannière aux échéances électorales. Tout le monde déclare son amour pour la Nupes en vue de 2027. Mais ce qui compte maintenant, ce sont les preuves d’amour. Notre alliance, c’est le seul outil qui peut garantir nos victoires dans les années à venir. 

Recevez Politis chez vous chaque semaine !
Abonnez-vous
Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don