Répression crescendo contre Dernière Rénovation
Les procès et les condamnations s’accumulent pour les activistes aux gilets orange qui enchaînent les actions de désobéissance civile.
Bloquer les routes, perturber le tournoi de Roland-Garros, repeindre les façades des ministères en orange, interrompre un match de rugby du Stade toulousain en grimpant aux poteaux… La palette d’actions des militant·es de Dernière Rénovation (DR) ne cesse de s’étendre depuis le lancement de leur campagne, le 1er avril 2022. Et toujours la même stratégie : déranger pour être médiatisés, interpeller sur l’urgence climatique et réclamer une loi sur la rénovation énergétique des bâtiments. Leur discours s’immisce désormais à l’intérieur des palais de justice car, depuis quelques mois, la répression judiciaire sur ce mouvement écolo s’intensifie.
Comment reprocher à des personnes non dangereuses pour la société de prendre de la place dans une audience ?
Me Marie Ollivier
« Lors des premières actions, la réponse du parquet était des alternatives aux poursuites, notamment des rappels à la loi sans condition, explique Léo, membre du pôle juridique de DR. La situation s’est corsée lors des actions organisées à l’automne 2022. Les alternatives aux poursuites n’étaient plus dénuées de sanction : les contributions citoyennes s’élevaient de 300 à 400 euros. Nous avons aussi eu des condamnations par ordonnances pénales (1) s’élevant à plusieurs centaines d’euros et jusqu’à 1 600 euros. Puis il y a eu les procès, mais on les attendait : ils font partie de notre stratégie de lutte. »
Procédure simplifiée où le prévenu est jugé par un seul magistrat, sans audience, et dans un court délai.
Dernière Rénovation compte neuf audiences déjà passées, sept qui auront lieu avant la fin de l’année et 27 cas de comparution devant des juges. « D’autres vont arriver car certaines ordonnances pénales ont été contestées », ajoute Léo. Pour Me Marie Ollivier, qui défend les militant·es de DR depuis un an, le durcissement de la répression et la sévérité des sanctions vont de pair avec la médiatisation accrue de DR et révèlent « un réel choix du parquet selon le principe de l’opportunité des poursuites ». « Les juges nous disent fréquemment que le tribunal est surchargé, qu’ils n’ont pas le temps de lire nos conclusions sur l’état du droit actuel, d’écouter nos témoins ou nos plaidoiries jusqu’au bout… Or c’est le parquet qui a décidé de traduire ces jeunes gens devant la justice ! détaille-t-elle. Comment reprocher à des personnes non dangereuses pour la société de prendre de la place dans une audience et d’utiliser ce moment pour parler d’urgence climatique alors qu’elles n’ont pas eu le choix ? »
Liberté d’expression, état de nécessité
Si ces audiences devant les tribunaux servent la communication de DR, elles permettent également d’infliger des peines plus lourdes afin de dissuader les activistes de récidiver : des heures de travail d’intérêt général, des stages de citoyenneté, des peines de prison avec sursis et parfois l’inscription du délit au casier judiciaire. Sans oublier les demandes de dommages et intérêts, notamment pour les actions de « trashing », consistant à asperger de peinture les bâtiments d’institutions. En janvier 2023, une nouvelle législation dans le Code de la route a aussi affecté la stratégie d’action de DR : l’amende forfaitaire délictuelle à l’entrave à la circulation autorise les forces de l’ordre à verbaliser les perturbations directement sur le terrain, sans passer par les cases garde à vue et procès.
Une « stratégie de l’étouffement » du mouvement citoyen dans sa globalité, selon Me Ollivier. Pour y faire face, les avocat·es ont opté pour une stratégie de défense collective en plaidant la relaxe et en s’appuyant sur deux arguments : la liberté d’expression et l’état de nécessité. « Des juges sont assez réceptifs mais n’osent pas franchir le cap en relaxant les militant·es, d’autres sont fermés au dialogue. Pour nous, cela traduit une méconnaissance du droit puisque la Cour européenne des droits de l’homme est très claire sur la liberté d’expression : une condamnation ne doit pas être une entrave à la liberté d’expression d’autrui. » Une bataille sur le long terme se joue à présent au sein de ces procès climatiques « dans l’espoir de faire évoluer le droit français à propos des actions de désobéissance civile ».
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