Comme si la charité pouvait remplacer la république sociale
Pendant que Bruno Le Maire s’auto félicitait de la santé de l’économie française, le président des Restos du cœur lançait, lui, un cri d’alarme. Rappelant l’envers du décor Potemkine que le gouvernement et ses économistes médiatiques s’échinent à nous dresser.
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Et soudain, le ciel s’assombrit. Au beau milieu d’un chaud dimanche ensoleillé, le président bénévole des Restos du cœur, Patrice Douret s’est invité dans le journal de TF1 pour lancer un cri d’alarme : « L’inflation est d’une violence inouïe. » La mine grave, il décrit une situation « de pire en pire ». En totale contradiction avec l’autosatisfecit gouvernemental. « La France a de très bons résultats économiques », claironnait ainsi Bruno Le Maire, le 28 août sur France Inter. L’inamovible ministre de l’Économie d’Emmanuel Macron vante « une croissance cumulée depuis 2017 supérieure à celle de l’Allemagne, de l’Italie, du Royaume-Uni… »
Mais aussi « deux millions d’emplois créés, une réindustrialisation qui commence, 300 sites industriels qui ont été ouverts… » Certes, le patron de Bercy convient que « tout n’est pas rose » puisque l’inflation est toujours là. Ce qui ne l’empêche pas de se gargariser : « Pour la première fois, notre croissance n’est plus tirée par la consommation des ménages, mais aussi par la production de biens manufacturés. Notre objectif, qui est de faire de la France une grande nation de production et pas uniquement de redistribution de richesses, est en train d’être tenu. »
À quel prix ? Cette autosatisfaction aurait dû être ébranlée par la publication, le 30 août, du baromètre de l’Unicef et de la Fédération des acteurs de la solidarité, qui dénombre 1 990 enfants à la rue et s’inquiète des fermetures des places d’hébergement d’urgence en cours. Ce 3 septembre, ce que Patrice Douret a dévoilé sur TF1, chaîne de grande écoute, c’est l’envers du décor Potemkine que le gouvernement et ses économistes médiatiques s’échinent à nous dresser. En 2022, les Restos du cœur ont servi 142 millions de repas. En 2023, le chiffre dépasse déjà les 170 millions de repas. « À ce rythme-là, si l’on ne fait rien, avertit-il après avoir alerté depuis des mois, même les Restos du cœur pourraient fermer d’ici trois ans. »
Qui ne voit que cette hausse tragique du nombre de bénéficiaires de l’aide alimentaire n’est que la face sinistre du renoncement macronien à redistribuer les richesses ?
Qui ne voit que cette hausse tragique du nombre de bénéficiaires de l’aide alimentaire n’est que la face sinistre du renoncement macronien à redistribuer les richesses ? Car, dans le même temps, les dividendes versés aux actionnaires entre avril et juin battaient un nouveau record : 49,6 milliards d’euros ! En hausse de 13,3 %. La politique de Macron fait là encore mieux que l’Allemagne et les autres pays européens puisque ce résultat représente près de 30 % des dividendes en Europe. Le contraste est criant entre ces chiffres astronomiques et les besoins des Restos du cœur (35 millions d’euros pour boucler leur budget cette année), qui envisagent de devoir « dire non à des personnes à qui ils avaient dit oui l’hiver dernier » et de « donner moins de produits à celles qu’ils accueilleront ».
Pour masquer la responsabilité du gouvernement, Aurore Bergé, sa ministre des Solidarités, a annoncé décaisser 15 millions d’euros – en réalité 5 millions, 10 étant déjà promis –, lancé un appel aux dons, et s’est outrageusement félicitée que la famille de Bernard Arnault y réponde par une obole de 10 millions d’euros. Comme si la charité pouvait remplacer la république sociale. Christophe Robert, délégué général de la Fondation Abbé-Pierre, réclame « des mesures structurelles qui puissent aider durablement les ménages les plus pauvres et les plus modestes de notre pays ». Or cela, le gouvernement ne l’envisage pas. Le projet de loi de programmation des finances publiques, qu’il s’apprête à imposer par un nouveau recours au 49.3, va graver dans le marbre une sévère réduction du déficit public qui ne pourra être obtenue qu’au prix de coupes claires dans les dépenses sociales.
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