« L’objectif est de déconstruire les fantasmes véhiculés par l’extrême droite »
Conseillère municipale de Saint-Brevin-les-Pins, Véronique Rey-Thibault (EELV) raconte le combat quotidien des forces progressistes contre l’extrême-droite.
dans l’hebdo N° 1776 Acheter ce numéro
Depuis quelques mois, la commune de Saint-Brevin-les-Pins est tristement connue. Un maire a été contraint de démissionner après des intimidations de l’extrême droite et l’incendie de son domicile, sur fond d’opposition à l’installation d’un nouveau centre d’accueil pour demandeurs d’asile. Sur place, les forces progressistes continuent de s’organiser, comme l’explique Véronique Rey-Thibault, conseillère municipale EELV de Saint-Brevin-les-Pins.
Ce samedi 23 septembre, se tiendra à Saint-Brevin-les-Pins (Loire-Atlantique) un colloque sur le thème « Saint-Brevin terre d’accueil. Accueillir les exilé·es. Pourquoi ? Comment ? », organisé avec la Ligue des droits de l’homme (LDH), le Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (Mrap) et le Secours catholique-Caritas. L’objectif est de déconstruire les fantasmes véhiculés par l’extrême droite et de faire un état des lieux des migrations et de l’accueil des exilé·es à l’échelle nationale et européenne, en imaginant ce qui pourrait être un accueil digne et respectueux des droits humains. Ce colloque de réflexion sera ouvert par la maire de Saint-Brevin, Dorothée Pacaud. Pour certains, cet événement est synonyme de provocation. Comment est-ce possible ?
Cela réveille chez moi des souvenirs amers. Le 11 mai dernier, Élisabeth Borne mettait en cause « les extrémistes des deux côtés » alors qu’elle était très précisément interrogée sur les attaques de l’extrême droite subies par le maire de Saint-Brevin, Yannick Morez. Ces extrémistes de droite sont ceux qui distribuent des tracts ignobles et xénophobes devant les écoles ; associent les étrangers à des délinquants dans le but de faire peur aux familles ; intimident ceux qui ne sont pas d’accord avec eux et organisent des manifestations haineuses et cagoulées, allant jusqu’à menacer de mort sur leurs réseaux, et jusque dans les boîtes aux lettres !
Mais, de l’autre côté, de qui parle Mme Borne ? Parle-t-elle de nous, les quelques conseillers brévinois de gauche qui avons toujours défendu le maire sur le dossier du centre d’accueil pour demandeurs d’asile (Cada) mais qui dénoncent aussi fortement l’inaction municipale en matière de logements pour tous ? Nous nous fâchons quand, rapport après rapport, nous constatons que le nombre de logements sociaux stagne à 5 % depuis plus de trente ans quand il devrait atteindre 25 % dans une commune de la richesse de Saint-Brevin. Pendant les élections locales, nos adversaires n’ont pas hésité à nous faire passer pour de dangereux extrémistes.
Peut-être que la Première ministre parlait des organisations politiques de gauche et des associations qui se sont mobilisées quatre fois en quelques mois face à l’extrême droite venue manifester avec fracas, pavés et slogans glaçants devant notre mairie, à l’image de ce véritable appel au meurtre : « On n’entend plus chanter Clément Méric », scandé par les extrémistes de droite. Le Collectif des Brévinois attentifs et solidaires, organisateur du colloque de samedi, était peut-être aussi visé par les propos de Mme Borne. Il est né à l’automne 2016, quand la création du Cada a permis de mettre à l’abri des hommes, des femmes et des enfants qui vivaient dans des conditions indignes à Calais. N’oublions pas la manière dont les acteurs politiques, de l’extrême droite au centre, dénonçaient des « mini-Calais » qu’ils ne voulaient surtout pas chez eux.
Pendant cinq ans, l’accueil d’exilés à Saint-Brevin n’a jamais été un sujet de discorde.
En réaction à ce rejet, et malgré l’effroi suscité par des tirs à balles réelles sur les locaux heureusement vides du centre, des Brévinois ont accueilli les Afghans et les Soudanais qui arrivaient. Pendant cinq ans, l’accueil d’exilés à Saint-Brevin n’a jamais été un sujet de discorde. Lors des municipales de 2020, nous n’avions jamais été interpellés à ce sujet. Dans ce cadre, les membres du collectif ont découvert le parcours du combattant qu’est devenue la demande d’asile, mais aussi les richesses du partage et des rencontres. Ainsi, le collectif s’est transformé en association et a changé de nom en remplaçant « atterrés » par « attentifs ». Attentifs à l’accueil des réfugiés, au manque criant de logements disponibles pour tous.
La rhétorique du renvoi des extrêmes dos à dos n’est jamais une analyse de haut vol, mais ici elle était injustifiable et dangereuse. Dénoncer « les extrémistes des deux côtés », c’est soit minimiser les discours racistes et xénophobes qui fragilisent la République, soit délégitimer des espaces de discussion et d’action essentiels à la vie démocratique de notre pays.
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