Tenue correcte exigée
L’État, c’est lui : Emmanuel Macron. Intraitable sur les vêtements des étudiantes musulmanes, mais perclus de tolérance pour les profitards du bitume qui abattent des arbres.
dans l’hebdo N° 1775 Acheter ce numéro
Depuis 2017, l’État, c’est lui. Sous Macron, l’État, c’est d’abord et avant tout Macron, ce chef muré dans sa verticalité sans l’aval duquel rien ne se décide ni ne se fait – car telle est sa conception « jupitérienne » du pouvoir.
Et le moins qui se puisse dire est que c’est, dans mainte et mainte circonstance, un État fort, dont la main ne tremble pas lorsqu’il s’agit de perpétrer quelque nouvelle brutalité, ou quelque nouvelle violence, fût-elle d’abord symbolique – pour ajouter par exemple un peu plus d’islamophobie étatique à l’islamophobie étatique en interdisant aux élèves musulmanes de porter un vêtement jugé contraire
à l’esprit de la sacro-sainte République sous laquelle pavoise depuis de longs mois, parmi d’autres éminences, et en toute tranquillité, un ministre de la Justice renvoyé en procès pour « prise illégale d’intérêts », mais convenablement costumé.
Cependant, il peut aussi arriver – reconnaissons-le honnêtement – que ce rugueux État se fasse bien plus coulant. Ainsi, quand les concessionnaires des autoroutes engrangent d’immenses bénéfices aux frais de la collectivité, le pouvoir macroniste se montre soudain beaucoup moins prompt à sévir contre ces profiteurs qu’il n’est rapide à réprimer le port de l’abaya. Le ton, soudain, se fait beaucoup moins comminatoire : loin d’édicter une règle pour interdire un tel gavage, le ministre des Finances, l’inénarrable Bruno Le Maire, déclare plutôt qu’il « étudie l’option » d’une nouvelle taxation des sociétés autoroutières.
Face aux concessionnaires autoroutiers, le ton se fait beaucoup moins comminatoire.
En attendant, le gouvernement, décidément perclus de tolérance pour les profitards du bitume, encourage très activement la construction de nouvelles autoroutes, comme l’A69, longue de 54 kilomètres, qui reliera Castres (Tarn) à Verfeil (Haute-Garonne), et dont la gestion sera évidemment concédée à une entreprise privée – la société Atosca, spécialement créée pour l’occasion, qui
se targue sans rire d’être « un concessionnaire engagé à long terme sur le territoire ».
Concrètement, cet admirable engagement se traduit comme suit : dans la nuit du 31 août au 1er septembre dernier, les engins de destruction d’Atosca ont repris l’abattage des arbres qui se trouvent sur le tracé de l’A69. Mais le pouvoir macroniste, plutôt que d’empêcher ce ravage comme il interdit aux jeunes musulmanes le port de certaines vêtures, a déployé sa gendarmerie pour protéger les ravageurs. Puis, trois jours plus tard – le 4 septembre, donc –, Macron a très sérieusement déclaré, avec ce petit sourire extraordinairement irritant qui n’appartient qu’à lui et qui ponctue depuis le début de son règne chacun des indénombrables moments où il nous prend ouvertement pour des imbéciles, qu’il souhaitait, je cite, que « chaque collégien, à son arrivée en classe de sixième, plante un arbre » – afin de « reboiser le pays en dix ans ».
Naturellement : les collégiennes, parité oblige, pourront elles aussi replanter les arbres qui auront été arrachés par les capitalistes autoroutiers envers qui l’État macroniste se montre si protecteur – à condition, bien sûr, qu’elles soient correctement habillées.
Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.
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