« Notre corps », femmes au scalpel

Claire Simon filme des patientes dans les services d’un hôpital dédiés aux spécificités de l’organisme féminin.

Christophe Kantcheff  • 3 octobre 2023 abonné·es
« Notre corps », femmes au scalpel
Claire Simon a décidé de ne rien éluder. Elle montre tout ce qu’il est possible de montrer.
© Dulac Distribution

Notre corps / Claire Simon / 2 h 48.

Claire Simon a intitulé son film Notre corps parce qu’il se déroule au même étage d’un hôpital – Tenon, à Paris – où sont réunis des services concernant en premier lieu le corps des femmes, des débuts jusqu’à la fin de l’existence : PMA, accouchement, endométriose, IVG, transition de genre, cancer du sein ou des ovaires… Comme elle le dit en préliminaire, l’idée du film lui a été soufflée par sa productrice, Kristina Larsen, qui, en raison d’une maladie, venait de passer deux ans à l’hôpital, un univers qui lui était devenu familier. Ainsi, le regard que porte Claire Simon concerne la relation entre le soignant et la patiente, celle-ci étant souvent accompagnée d’un homme quand le sujet tourne autour d’une naissance en vue ou souhaitée. À l’écran s’engage une suite de consultations : une mineure est désireuse d’avorter, une femme a des douleurs lors des rapports sexuels, une autre se retrouve face à un dilemme qui met en jeu sa vie intime et son avenir professionnel…

Rendre moins abstrait, et donc moins effrayant, ce qui se passe derrière les murs d’un hôpital.

Notre Corps Claire Simon affiche

Une évidence, d’abord : avec l’accord des protagonistes, Claire Simon a décidé de ne rien éluder. Elle montre tout ce qu’il est possible de montrer. Par exemple, ce qu’induisent les traitements proposés, impliquant souvent de dures contraintes : de l’inquiétude, mais aussi, ensuite, du soulagement. Elle filme au cours d’opérations, prenant alors des images beaucoup plus organiques, ou des fécondations in vitro. C’est l’idée de la cinéaste, qui traverse tout le film : démystifier, rendre moins abstrait, et donc moins effrayant, ce qui se passe derrière les murs d’un hôpital. Néanmoins, on y reste longtemps sur le bord. Quelque chose fait écran, rendant quasi impersonnelles – c’est le comble – les images qui défilent.

Quand soudain, coup de théâtre : la cinéaste apprend qu’elle est elle-même atteinte d’un cancer du sein. Dès lors, Claire Simon est projetée devant sa caméra, et l’intention première de son film – faire partager le sort des patientes – s’incarne par elle. Ce basculement suscite à son tour la projection mentale et affective du spectateur, dont l’empathie est décuplée. On pouvait a priori s’étonner de la durée du film – 2 h 48 –, elle s’explique par cette progression émotionnelle. D’autant que, plus le temps s’écoule, plus la perspective de la mort rôde. Une scène entre une patiente épuisée par son combat contre la maladie et son médecin qui lui parle de la perspective de soins palliatifs tout en lui caressant la main bouleverse littéralement. Alors, « notre corps » devient celui de tous les humains, unis dans la même condition de mortels.

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Cinéma
Temps de lecture : 3 minutes