« Connecter le sport et la culture »
La politisation des enjeux sportifs est au cœur d’une démarche plurielle racontée par le président de l’association Écrire le sport, Frédéric Gai.
dans l’hebdo N° 1779 Acheter ce numéro
Depuis sa création en 2014, l’association Écrire le sport veut montrer que le corps et l’esprit ne sont pas deux mondes séparés. Après la Coupe du monde 2022 de football et à la veille des Jeux olympiques de Paris, la politisation des enjeux sportifs est au cœur d’une démarche plurielle racontée par le président de l’association, Frédéric Gai.
Le sport est une histoire qui alimente la dynamique des rencontres et les imaginaires collectifs portés par des orientations médiatiques, mais aussi par des gestes narratifs et sociologiques. Mouvement du corps et de l’esprit, le sport ne peut être construit sans, à la fois, la tête et les jambes. Un clivage culturel existe pourtant dans nos pensées, laissant la part belle à des commentaires sur un sport décérébré ou, inversement, sur une sphère intellectuelle incapable de penser l’effort corporel. Les sportifs seraient ainsi voués à l’exercice athlétique appelé par la professionnalisation du secteur, qui induit naturellement des réponses « spectaculaires » éminemment « capitalistes », tandis que les intellectuels seraient en charge de l’élaboration d’une analyse distanciée, foncièrement critique à l’aune de dérives multiples, qu’elles soient financières ou biologiques. Ainsi, le sport serait devenu l’archétype de nos défauts contemporains. Posés de la sorte, culture et sport seraient deux mondes incapables de se rencontrer, comme alpha et oméga, qu’on se situe à l’un ou l’autre bout de la ligne.
C’est dans cet espace d’incompréhensions que s’est élaborée l’activité de l’association Écrire le sport. Depuis 2014, la volonté de nos membres, enseignants, chercheurs, bibliothécaires, auteurs, journalistes et analystes, est de connecter le sport et la culture, par l’entremise de l’écriture. Au travers de rencontres, de tables rondes, d’ateliers, d’interventions ou de publications d’ouvrages et d’articles, notre travail vise à intégrer le sport dans une réalité culturelle plus générale. Des écrivains, tels que Cécile Coulon ou Valentin Deudon, des journalistes, comme Vincent Duluc ou Rémy Fière, des éditeurs, comme Benoît Heimermann ou Bertrand Pirel ont mis en lumière, par leurs actions comme par leurs interventions, la pluralité des sujets, au-delà des présupposés.
Rompre les distinctions entre le cerveau et les pieds, entre l’intellect et l’effort compétitif.
En 2016, pour la publication de l’ouvrage Décalages, périple à travers le foot, nous avions cherché le ballon rond dans ses représentations plurielles : de la poésie à la bande dessinée en passant par les tifos de supporters ou l’analyse des paroles humoristiques. Depuis, nous avons appris à découvrir des personnages, des ouvrages ou des actions capables de discuter, et parfois de rompre les distinctions entre le cerveau et les pieds, entre l’intellect et l’effort compétitif. Nous avons découvert des sujets aussi originaux qu’intrigants, preuve s’il en fallait que le sport est un domaine à la fois surreprésenté et peu commenté dans ses aspects sous-jacents : qu’il est un territoire obnubilé, au sens propre du terme.
À l’heure où s’annoncent de grandes échéances sportives, aussi bien sur le territoire français (JO) que pour les sélections exposées (Euro de football), il convient à notre sens de replacer le sport dans sa dimension sociale initiale, pour en activer les potentialités culturelles, historiques et intellectuelles, et ce sans idées préconçues. Ou au minimum en interrogeant celles-ci pour leur offrir un angle nouveau, à la fois dans et hors de l’arène du spectacle. Nous avons la certitude que l’écrit peut non seulement déployer la magie sportive dans ses plus grandes largeurs, mais aussi permettre de la décrypter, pour être le miroir que l’on promène sur le long chemin.
Dans quelques mois, certains membres d’Écrire le sport vont lancer, en collaboration avec Les Sportives Éditions, une collection d’essais à dimension politique, afin d’interroger le pouvoir des femmes dans le sport. Contrairement à notre président de la République, nous pensons que le sport est un sujet politique qui dépasse de loin la sphère symbolique. Pour traiter le sport, nous comptons faire de l’écriture un territoire d’interrogation critique, pour mieux questionner les attentes de la société par le spectre de ses grandes agitations médiatiques.
La carte blanche est un espace de libre expression donné par Politis à des personnes peu connues du grand public mais qui œuvrent au quotidien à une transformation positive de la société. Ces textes ne reflètent pas nécessairement la position de la rédaction.
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