De l’argent pour la transition
Il faudra au moins 5 % des PIB d’investissements de type nouveau en Europe et en France pour décarboner la production, protéger la biodiversité et accompagner socialement la bifurcation à l’échéance de 2050. La solution : transformer l’architecture du système bancaire en le socialisant.
dans l’hebdo N° 1778 Acheter ce numéro
Plus la crise sociale et écologique s’approfondit, plus la transition pour sortir de l’ornière capitaliste coûtera cher. Au bas mot, 5 % des PIB d’investissements de type nouveau pour décarboner la production, protéger la biodiversité et accompagner socialement la bifurcation à l’échéance de 2050. C’est-à-dire au moins 750 milliards d’euros pour l’Union européenne et 130 milliards pour la France, par an et pendant plusieurs décennies, soit le double de ce que le rapport de Pisani-Ferry et Mahfouz prévoit pour la seule parade au changement du climat. Où trouver l’argent ?
Depuis la pandémie de coronavirus, on sait que la Banque centrale européenne peut garantir tous les emprunts publics en rachetant les titres de dettes et donc « monétiser » indirectement les dépenses publiques ; la nouveauté à introduire est de conditionner ce rachat à la présentation de titres correspondant à des crédits bancaires pour des investissements soutenables. Mais cela ne suffira pas. De même, les quelque 750 milliards prévus par l’UE pour son Pacte vert ne sont pas à la hauteur puisqu’ils s’étalent sur la période 2021-2027. Enfin, la tendance spontanée du capitalisme étant de ne voir que le profit immédiat, on ne peut compter sur lui pour des investissements de long terme.
Les railleries sur l’agent magique ne doivent pas cacher qu’il peut exister un argent réel.
Il reste alors à transformer l’architecture du système bancaire en le socialisant, avec à sa tête une banque centrale mise au service de la transition, c’est-à-dire qui retrouve le droit de créer de la monnaie centrale à cet effet. La dépense publique destinée à la transition n’ayant pas vocation à engendrer du profit, il ne serait plus nécessaire d’exiger un taux d’intérêt des budgets publics, et les avances au Trésor pourraient être indéfiniment renouvelées au fur et à mesure de l’avancée de la transition.
Plusieurs conditions devraient être remplies. Le coût des investissements de transition intégrerait tous les coûts cachés, notamment en fixant un prix politique suffisamment élevé au carbone que l’on s’engagerait à éviter. La BCE inscrirait à son passif ses engagements à honorer le financement de tout investissement soutenable et à son actif les titres correspondants dûment labellisés. Le risque inflationniste serait inexistant si l’investissement permettait une production nouvelle, des revenus nouveaux et qui, par suite, donneraient lieu à des impôts dédiés et engendreraient une épargne supplémentaire venant équilibrer a posteriori le circuit économique.
Ainsi, l’épargne à mobiliser pour l’avenir sera la contrepartie des investissements dont elle résultera. Cette épargne nouvelle ne trouvera pas ou trouvera de moins en moins d’autre emploi qu’un financement vertueux. Il en est de même pour la fiscalité dite écologique : au sein d’une fiscalité vraiment réformée, les impôts nécessaires pour contribuer au financement de la transition seront possibles si l’engagement pour celle-ci est réel, c’est-à-dire permettant une nouvelle production de qualité. Les railleries sur l’agent magique ne doivent pas cacher qu’il peut exister un argent réel.
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