Émeutes : « Mon fils a pris 1 an ferme, pour moi, c’était impensable » 

Son fils de 18 ans a été condamné d’un an de prison ferme pour avoir participé aux émeutes. Émilie, éducatrice, raconte comment sa vie a changé depuis cette arrestation, début juillet.

• 4 octobre 2023
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Émeutes : « Mon fils a pris 1 an ferme, pour moi, c’était impensable » 
Policiers à Nanterre, lors d'événements suite au rassemblement pour Nahel, en juin 2023.
© Maxime Sirvins

Pour avoir donné un briquet à un émeutier qui s’en est servi pour incendier un véhicule, le fils d’Émilie, 18 ans, a été condamné en juillet à un an de prison ferme. Cette éducatrice raconte comment sa vie a changé depuis. Elle parle de sa place de mère dans un système judiciaire qui la dépasse. Et détaille ce que la prison fait à une jeunesse en colère contre le système.


Le 3 juillet, j’ai vu mon fils au tribunal, dans le box des accusés. Trois jours plus tôt, il participait aux mouvements de révolte à Franconville (Val-d’Oise), à la suite de la mort du jeune Nahel, tué par un policier. Quarante-huit heures de garde à vue et une nuit à la maison d’arrêt d’Osny plus tard, il passait en comparution immédiate pour avoir donné un briquet à un jeune qui a incendié un véhicule.

Mon fils a tout de suite coopéré avec les forces de l’ordre. Lors de sa nuit en détention provisoire, il a rédigé une lettre dans laquelle il présentait ses excuses pour ses actes. Il disait ne pas pouvoir supporter l’incarcération. Notre avocate m’avait conseillé d’insister sur mon travail – je suis éducatrice dans la protection de l’enfance. J’ai donc couché sur le papier ce que je fais dans mon métier, la manière dont je m’occupe de mon fils, qui devait commencer un boulot début juillet. J’ai suivi les règles, mon fils aussi. Mais la procureure comme le juge n’ont rien voulu savoir. Le plus dur, cela a été l’attente du verdict. Notre avocate nous avait prévenus, il pouvait y avoir du ferme. Pour moi, c’était impensable : mon fils avait à peine 18 ans, il n’avait jamais eu affaire à la justice, il n’a fait que donner un briquet. Je pensais que j’allais rentrer avec lui.

J’ai suivi les règles, mon fils aussi. Mais la procureure comme le juge n’ont rien voulu savoir.

Un an ferme, pour complicité de destruction de bien privé. Mon fils a été condamné à un an ferme. C’était ce que la procureure avait requis. Ça a été un grand choc, moi qui vis seule avec mon enfant depuis toujours. Personne n’est venu me voir pour m’expliquer ou m’accompagner. Mon avocate est partie. J’étais laissée à l’abandon. Mon fils explique son geste par une colère qu’il a en lui et qu’il a pu exprimer ce jour-là. Pendant des années, il a pris sur lui pour me rendre fière et tenter de s’intégrer à la société. Mais il a connu de nombreux problèmes avec le système scolaire, qui l’a souvent mis en échec. Il n’avait pas beaucoup d’estime de lui. Quand il a été condamné, j’ai réussi à lui glisser quelques mots. Je lui ai dit : « Essaie d’écrire, de faire du sport, de prier. Ils ne peuvent pas emprisonner ton mental. »

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Et puis, plus de nouvelles. Pendant trois semaines, silence radio. Je tentais de joindre la maison d’arrêt, mais c’est compliqué. Au bout d’une trentaine de coups de fil, le service pénitentiaire d’information et de probation (Spip) m’a indiqué qu’il n’y avait pas « d’incident ». C’est tout. J’ai tout de suite fait une demande de visite, envoyé de l’argent. J’ai eu mon premier droit de visite un mois après son premier jour de détention. J’étais très angoissée. Je ne savais pas dans quel état j’allais le retrouver. À mon arrivée, je découvre le parloir : une sorte de cage de la taille de toilettes. Un muret nous sépare, mon fils et moi. Je peux quand même l’enlacer.

Tu as la justice qui correspond à ton statut dans la société.

Aujourd’hui, je le vois deux fois par semaine. Il me dit qu’il relativise beaucoup, lui qui se trouve à côté de détenus condamnés à des peines beaucoup plus lourdes. Il n’a le choix que d’être fort : en prison, on ne peut pas montrer ses faiblesses. Il s’interdit de pleurer. Il a demandé à voir une psychologue, il avait besoin de parler. Mais il n’a pas de nouvelles. Il écrivait tous les jours depuis son arrivée, mais, aujourd’hui, il n’a plus de papier. Avec son père, nous avons demandé qu’il puisse sortir une journée. Cette demande a été refusée parce que le procureur craignait qu’il revienne dans la ville où il avait commis les faits. Ce fut un nouveau choc. Le Spip nous avait pourtant dit qu’il avait un comportement exemplaire. C’est comme si la justice ne voulait lui faire aucun cadeau.

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Pourtant, de l’autre côté, les violences policières se multiplient, et la justice a toujours autant de mal à condamner les policiers. Le jugement de mon fils m’a remis les pendules à l’heure. Nous, citoyens, face à cette justice qui s’obstine avec une telle dureté, nous n’avons aucun pouvoir. Tu as la justice qui correspond à ton statut dans la société. Comment nos institutions prennent-elles en compte la jeunesse dans notre pays ? Comment la voient-elles ? Comment la comprennent-elles ? Cela m’attriste énormément. Je reprends le travail cette semaine, mais en mi-temps thérapeutique. J’étais en arrêt depuis le 3 juillet. Intérieurement, je suis une grande révoltée, mais la révolte me ronge. Il faut que je reste en paix. Et puis, régulièrement, je peine à réaliser. J’ai des moments de faiblesse. Un an ferme.

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Carte blanche

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