Fin de la Nupes : vers une union sans Mélenchon
Les communistes veulent ouvrir « une nouvelle page » de la Nupes. Les socialistes ont voté pour un « moratoire » actant la fin de l’alliance. Mais les gauches ne renoncent pas à une autre coalition qui exclurait le clan du triple candidat à la présidentielle.
La gauche est historiquement coutumière des manœuvres politiques. Et elle n’est pas en train de perdre ses vieilles habitudes. Au contraire. En coulisses, les téléphones chauffent, des députés discutent et les têtes pensantes phosphorent. En pleine crise, personne n’a vraiment arrêté de se parler. « Il y a des échanges qui sont en cours. Rien de très concret. On est au début d’une nouvelle recomposition à gauche », glisse un cadre de la Nouvelle union, populaire, écologique et sociale (Nupes). D’une même voix, écologistes, communistes et socialistes veulent croire à un autre rassemblement de la gauche. Tout en tirant un trait sur l’union telle qu’elle existe. La situation peut sembler paradoxale. Mais elle pourrait permettre, selon eux, de se défaire du problème majeur au sein de l’alliance : Jean-Luc Mélenchon.
Le problème, ce n’est pas la Nupes, mais sa méthode.
Laurent Baumel, PS
En refusant de qualifier le Hamas d’organisation terroriste, le triple candidat à la présidentielle est accusé de toute part de vouloir faire exploser la coalition qu’il a construite pour conserver son statut de candidat de « recours » pour 2027. Voire plus tôt, si Emmanuel Macron décide entre-temps de dissoudre l’Assemblée nationale. « Au lendemain des législatives, Mélenchon aurait pu s’appuyer sur l’union, organiser une nouvelle synthèse de toutes les gauches, se “mitterrandiser”. Mais il a continué à se comporter comme le porte-parole de LFI et nous a poussé à la rupture. Le problème, ce n’est pas la Nupes, mais sa méthode », lâche le conseiller d’Olivier Faure Laurent Baumel, pourtant considéré comme le plus « Mélenchon-compatible » des hauts gradés du Parti socialiste.
Chronologiquement, ce sont les communistes qui ont lancé les grandes opérations. Dans leur conseil national du 15 octobre, le PCF a voté à près de 93 % pour une résolution qui veut ouvrir « une nouvelle page du rassemblement de la gauche et des écologistes ». Le texte admet que « la Nupes, telle qu’elle a été constituée pour les élections législatives sous la volonté hégémonique de La France insoumise, est devenue une impasse ». Même si les députés du parti ont toujours la possibilité de rester dans l’intergroupes à l’Assemblée nationale, la formation met un pied en dehors de l’alliance.
« Il y a eu des désaccords pendant la séquence retraites et des mots qu’il ne fallait pas dire. Et maintenant, certains dirigeants de La France insoumise banalisent un acte terroriste. Ce n’est pas le rassemblement dont la gauche a besoin », justifie Pierre Lacaze, chargé dans l’exécutif du parti des relations avec les partenaires. « On ne peut pas avoir un mode de communication qui décrédibilise la gauche alors qu’on veut être majoritaires et gouverner. On était au bout de cette logique », reprend Hélène Bidard, elle aussi membre de la direction.
Mais la manœuvre est critiquée en interne par quelques voix minoritaires, à l’instar de la députée Elsa Faucillon : « Ces fractures sur le conflit israélo-palestinien sont dépassables, encore faut-il ne pas les exagérer. Mais elles servent surtout de prétexte à Fabien Roussel pour acter la fin de la Nupes qu’il dit “dépassée” depuis plusieurs mois. » Qu’importe. Fabien Roussel et les siens veulent profiter de ce moment pour créer une nouvelle alliance avec les forces syndicales, associatives et certains partis de gauche qui ne sont pas représentés au Palais Bourbon.
Les Écologistes (nouveau nom d’Europe Ecologie-Les Verts) n’ont pas acté officiellement leur positionnement vis-à-vis de la Nupes. Néanmoins dans un communiqué de presse, les députés écolos proposent l’organisation d’une « assemblée générale de l’ensemble des 151 députés de gauche et écologistes ». Une façon d’exclure le triple candidat à la présidentielle de la grande reconstruction qui attend la gauche sans assumer la rupture avec les insoumis. Olivier Bertrand, chargé pour les Verts des relations avec les partenaires, se veut un peu plus explicite : « Nous continuons à dialoguer avec toutes les composantes, même à La France insoumise, hormis les proches de Mélenchon qui valident sa stratégie du clivage et de la tension permanente. »
Le refrain est décliné par le PS. « Jean-Luc Mélenchon ne peut pas nous dire de ‘faire mieux’ et créer le clivage dès qu’il n’est pas d’accord. Il n’est plus celui qui doit incarner le rassemblement de la gauche », soutient Maxime Sauvage, secrétaire général des députés socialistes. Mardi matin, les Roses ont snobé la réunion hebdomadaire de l’intergroupes à l’Assemblée. Le soir, le conseil national du parti a voté pour un «moratoire » sur sa participation aux travaux de la Nupes « dans l’attente de la construction de ce nouveau cadre commun de l’union de la gauche ».
La manœuvre pourrait d’abord permettre aux formations de gauche de résoudre leurs désaccords de fond et de réactualiser le programme signé en 2022. Ensuite, les partis plancheraient sur des instances de décision. Mais surtout, il n’est plus question de laisser trop d’espace au noyau d’insoumis gravitant autour du chef de file spirituel de LFI. « Jean-Luc Mélenchon a été un facteur d’union. Mais il est aujourd’hui devenu un obstacle à cette même union. On ne peut pas conflictualiser à tout bout de champ », explique le Premier secrétaire du parti. Face à ces prises de position, les insoumis peinent à contenir leur agacement. « Toutes ces manœuvres politiciennes me dégoûtent », balaie le député LFI Paul Vannier. « Il n’est pas sérieux d’expliquer par un problème personnel, la “méthode Mélenchon”, leur départ souhaité de la Nupes », répond Mathilde Panot, patronne des insoumis à l’Assemblée.
Il n’est pas sérieux d’expliquer par un problème personnel, la ‘méthode Mélenchon’, leur départ souhaité de la Nupes.
Mathilde Panot
Dans l’entourage d’Olivier Faure, certains imaginent désormais le périmètre d’une autre alliance qui réunirait les socialistes, les écologistes, les communistes et les insoumis « dissidents » – ceux qui ont été écartés de la direction comme Alexis Corbière, François Ruffin, Raquel Garrido et Clémentine Autain – jusqu’aux « silencieux », c’est-à-dire ceux qui ne se sont pas encore prononcés sur la crise en cours à gauche. « Tout le monde est le bienvenu pour discuter d’un nouveau fonctionnement et d’un nouveau rassemblement parce que l’union de la gauche ne doit plus être la caporalisation », estime un haut dirigeant socialiste qui ne ferme pas non plus la porte à un changement de nom. Une source au sein de la Nupes explique que des rencontres seront organisées dans les prochaines semaines « pour commencer à poser les bases d’un autre fonctionnement ». Tout est donc à refaire.
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