Le préfet de Police réprime la solidarité !
TRIBUNE. L’interdiction des distributions de nourriture par la préfecture de police de Paris dans des secteurs du Nord de la capitale est « une décision scélérate, inhumaine et porteuse de désarroi » dénoncent des organisations politiques, syndicales et associatives.
« Je ne veux plus de femmes et d’hommes dans la rue. » Qu’il est loin l’engagement de Macron pris en 2017.
Alors que l’État ne fait rien pour faire reculer la pauvreté et ses conséquences, la part de la population en situation de précarité alimentaire est passée de 10 à 16 % en France entre 2021 et 2022. À l’automne 2023, Les Restos du cœur ont annoncé ne plus être en mesure de faire face à l’afflux de personnes en nécessité d’obtenir une aide et se voient obligés de revoir leurs critères d’accès.
L’État ne fait rien pour accueillir décemment les exilé·es, qui se retrouvent trop souvent à la rue à tenter de vivre comme ils le peuvent ; ils se retrouvent dès lors à la merci de l’arbitraire des décisions préfectorales, et sont trop souvent repoussés à l’extérieur de Paris ou déplacés en région.
Il faudrait donc cacher cette misère que l’on ne saurait voir à notre porte ?
Enfin, puisque Paris accueillera les Jeux olympiques, les pouvoirs publics cherchent à invisibiliser les pauvres, les exilé·es, les consommateurs de drogue. Nous notons que cette interdiction coïncide avec le projet d’éloigner les personnes sans domicile des rues de la capitale pour faire « place nette » pour les J.O. Nous préférons la solidarité et la dignité pour tous, plutôt que les jeux pour quelques-uns.
L’État ne met pas en place l’accompagnement médico-social et les réponses globales nécessaires pour accompagner les usager·es de drogue. Ils continuent d’être stigmatisés et pourchassés sans qu’une politique publique de prise en charge ne soit développée.
Le trouble à l’ordre public invoqué
À l’heure où il n’y a jamais eu autant de personnes à la rue en France et spécialement à Paris, où des publics jamais rencontrés par les associations ont rejoint les files de leurs distributions alimentaires (y compris des jeunes, des seniors, ou des travailleurs pauvres) et où l’inflation s’abat sur les plus précaires, la préfecture de Paris a choisi d’interdire strictement les actions de distribution alimentaire dans le secteur de Stalingrad/avenue de Flandres/place du Colonel Fabien, pour la période allant du 10 octobre au 11 novembre 2023, justifiant cet arrêté par les nuisances dénoncées par les riverains et les attroupements « de personnes marginalisées ».
La préfecture indique également que « ces distributions alimentaires engendrent, par leur caractère récurrent, une augmentation de la population bénéficiaire de ces opérations et qu’elles contribuent, en corollaire, à stimuler la formation de campements dans le secteur du Boulevard de la Villette ».
Arguant de la gêne pour les riverains et les commerçants de ces distributions, sur la présence de commerces illicites et de drogue et sur le trouble à l’ordre public, ils justifient leur arrêté par les mises à l’abri successives qui ont eu lieu.
Quelle indécence ! Il faudrait donc cacher cette misère que l’on ne saurait voir à notre porte ?
Cruauté et indifférence envers les plus précaires
En tant qu’organisations politiques, syndicales, associatives des 10e et 19e arrondissements de Paris, nous nous élevons contre cette décision qui est révélatrice qu’un cap a été franchi par le pouvoir en place dans la cruauté et l’indifférence envers les plus précaires.
Nous refusons catégoriquement la criminalisation de la solidarité.
Les exilé·es, on les accepte pour livrer nos repas et dans les arrière-cuisines des restaurants ou sur les chantiers du grand Paris, on détourne le regard lorsqu’ils meurent dans des accidents du travail pour construire la métropole de demain. En revanche, que les associations organisent la solidarité en plein Paris, qu’ils se regroupent pour tenter de survivre, ils le refusent.
Cette zone d’interdiction est une décision scélérate, inhumaine et porteuse de désarroi et de désorientation pour les personnes qui sont habituées à venir prendre des repas gratuitement dans ces zones. De plus, il est à prévoir que les distributions organisées dans des zones limitrophes subissent un report de la fréquentation habituelle des zones Stalingrad/Villette/Colonel Fabien. Les associations, asphyxiées par les prix des denrées alimentaires et fonctionnant à flux tendu sur la base de la seule bonne volonté des bénévoles, seront inévitablement débordées par les effets de cette décision inique.
Nous refusons catégoriquement la criminalisation de la solidarité.
Nous pensons que la solidarité qui est concrètement mise en œuvre par les associations du fait des carences de l’État en matière de mesures contre la pauvreté et d’accueil des migrants est indispensable. Nous ne pouvons pas laisser criminaliser les actions de solidarité de ces militants. Nous exigeons le retrait de cet arrêté de la honte.
Signataires
Ligue des Droits de l’Homme Paris 10ème et 11ème arrondissements
Réseau Education Sans Frontière Paris 19ème
UL CGT Paris 10e
UCL Paris Nord Est
Fédération de Paris du MRAP
LFI 10e
Génération.s 10e
EELV 10e
NPA 19e
NPA 10e
Ensemble ! 10e
ACORT
CRL 10e
Actit
SKB
PCF 19e
Union Étudiante
LFI 19e
EELV Paris 19e
Génération.s 19e
UL CGT 19e
ATTAC Paris Centre
Une chorba pour tous
PCOF
PG 10e
POI 10e
Secteur fédéral CGT des cheminots de la région de Paris-Est
Solidarité migrants Wilson
Solidaires Paris
DIEL ( droits ici et là bas)
CSP 75 (coordination 75 des sans papiers)
CISPM (coordination internationale des sans papiers et migrants)
Élus :
Sophia Chikirou
Younous Omarjee
Danielle Simonnet
Rodrigo Arenas
Sarah Legrain
Laurent Sorel
Julien Bayou
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