Les attaques du Hamas fracturent un peu plus la gauche

Les insoumis sont accusés de vouloir « relativiser » l’attaque terroriste. En retour, ils dénoncent l’oubli de la critique de la politique de colonisation de l’État d’Israël. Si les directions des partis ne souhaitent pas voir la coalition exploser, la Nupes affiche une nouvelle fois ses désaccords.

Lucas Sarafian  • 11 octobre 2023 abonnés
Les attaques du Hamas fracturent un peu plus la gauche
Manuel Bompard, coordinateur de la France insoumise, à l'Assemblée nationale le 23 mai 2023. Son mouvement est trè!s critiqué par ses alliés de gauche pour n'avoir pas qualifié les attaques du Hamas de "terroristes".
© Lily Chavance

Il y a des absences qui se remarquent plus que d’autres. Lors de la manifestation en soutien à Israël à l’appel du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif) le 9 octobre, les insoumis ne sont pas très nombreux. À vrai dire, il n’y en a qu’un : Rodrigo Arenas, député de la 10e circonscription de Paris, qui, le même jour, avait pris ses distances avec la position de son parti dans une lettre publiée sur la messagerie interne des insoumis. Dans la foule se trouvent quelques élus écologistes, communistes, ainsi qu’une petite délégation socialiste autour d’Olivier Faure. Interrogé sur l’attitude des insoumis, ce dernier botte en touche : « Dans la Nupes [Nouvelle union populaire, écologique et sociale], il n’y a pas de chef, il y a cinq autres formations. Je ne suis pas leur porte-parole. » La réponse peine à cacher le malaise qui s’est installé.

Aux racines de la dispute ? Un communiqué signé par le groupe parlementaire de La France insoumise et publié le 7 octobre. Les troupes de Mathilde Panot et Manuel Bompard y expliquent dès les premiers mots que « l’offensive armée de forces palestiniennes menée par le Hamas intervient dans un contexte d’intensification de la politique d’occupation israélienne à Gaza, en Cisjordanie et à Jérusalem Est ». Le même jour sur X (ex-Twitter), Jean-Luc Mélenchon avance que « toute la violence déchaînée contre Israël et à Gaza ne prouve qu’une chose : la violence ne produit et ne reproduit qu’elle-même », sans parler du Hamas.

Total décalage

Une position en total décalage avec les autres forces de gauche. Dans leur déclaration officielle, les Verts parlent d’« attaque terroriste » et condamnent « ces événements particulièrement effroyables sans aucune ambiguïté ». Les communistes, qui avaient défendu une proposition de résolution condamnant « l’institutionnalisation d’un régime d’apartheid » en mai, jugent ces offensives « inacceptables et injustifiables ». Quant aux socialistes, ils réprouvent « sans réserve l’attaque terroriste du Hamas ». En clair, deux gauches seraient fâchées sur le sujet. D’un côté, les insoumis. De l’autre, le reste de la Nupes.

 Suivre Jean-Luc Mélenchon est une impasse.

Anne Hidalgo, maire de Paris

Les premiers, ardents défenseurs de la cause palestinienne, sont accusés de mettre dos à dos la politique du Benyamin Netanyahou et l’attaque du Hamas. Et, surtout, ils n’écrivent pas le mot « terrorisme ». Un oubli qui énerve très sérieusement les partenaires – en particulier les socialistes. Le député de l’Essonne Jérôme Guedj en tête : « Aux idiots utiles des terroristes du Hamas qui les exonèrent en relativisant au nom de l’impasse politique du conflit israélo-palestinien, de la poursuite de la colonisation, de Netanyahou… Vous me dégoûtez. Qu’on en trouve à gauche est insupportable. » En réponse, les insoumis, qui tiennent à resituer ce drame dans son contexte historique, estiment que la gauche plus « modérée » oublie un peu trop vite la politique de colonisation de l’État d’Israël. La ligne insoumise est claire : appeler d’abord à la paix, par le cessez-le-feu et l’application du droit international.

Sur le même sujet : Comment Israël a joué les apprentis sorciers avec le Hamas

Ces divisions font vaciller la Nupes. Jérôme Guedj le sous-entend en estimant que la question de rester dans l’alliance « se pose ». Olivier Faure exige des « explications ». Mais du côté de la direction des Verts et du PS, personne ne veut rompre l’accord signé en mai 2022. Surtout lorsque Manuel Bompard, invité sur France 2 le lundi 9 octobre, réajuste la position officielle de son camp : « Les actes qui ont été commis sont, de manière très claire en droit international, des actes qui s’apparentent à des crimes de guerre. » Et le patron de la LFI renverse le prisme de la critique en direction du gouvernement : « La position de la diplomatie française [est] en rupture totale avec la position traditionnelle de la France sur ce sujet, depuis le général de Gaulle en passant par Jacques Chirac. Je dis la même chose que ce que dit le pape François et, à sa manière, le secrétaire général de l’ONU. »

Prétexte

Mais, pour certains, la position des insoumis est à la fois une faute politique et un prétexte pour mettre fin à la coalition. La présidente de la région Occitanie, Carole Delga, estime que les propos des insoumis sont « abjects car ils dénient aux actes du Hamas le caractère terroriste et sous-entendent que la mort de civils, dans des conditions atroces, serait légitime ». Sur X, la maire de Paris et ex-candidate à la présidentielle, Anne Hidalgo, s’est dite convaincue que « suivre Jean-Luc Mélenchon est une impasse ». L’intéressé a répondu sur le même réseau social en pointant le « déshonneur » de ce « type de déclaration clientéliste ».

Les socialistes au Sénat, eux aussi historiquement critiques envers l’union, emmenés par Rachid Temal et Rémi Féraud s’imaginent déjà créer « une autre union de la gauche ». Et le groupe socialiste de la région Île-de-France a décidé le 9 octobre de suspendre « temporairement » ses relations avec les insoumis. « Mais ça n’a pas vocation à faire jurisprudence partout », tempère Jonathan Kienzlen, le président du groupe PS. En attendant, la coalition n’en sort pas indemne. Saura-t-elle panser ses plaies ?


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