Le maître George Clinton et ses galaxies
P-Funk, l’odyssée de George Clinton de Real Muzul est un guide essentiel pour explorer l’œuvre du musicien états-unien.
dans l’hebdo N° 1780 Acheter ce numéro
P-Funk, l’odyssée de George Clinton, Real Muzul, Les mots et le reste, 288 pages, 23 euros.
Aux États-Unis, George Clinton est sur les routes pour ce qui serait sa dernière tournée. En juillet, le musicien a fêté ses 82 ans, un âge canonique pour une vie qui ne fut longtemps qu’excès : abus de drogues et de concerts marathons, souvent 3 à 4 heures sur scène. Pourtant, en 2023, les concerts de George Clinton relèvent toujours de la même recette. Une quinzaine de musiciens, choristes, cuivres, claviers, guitares, basse, batterie et percussions. Des rythmes qui tournent en boucle, des chœurs qui s’enflamment, des cuivres qui plaquent des riffs entêtants et des paroles fredonnées, clamées, ou rappées qui vous mènent dans une fantasmagorie de personnages loufoques, Star Child, Sir Nose, Dr Funkenstein et d’hymnes faisant du funk un art de vivre « Free Your Mind and Your Ass Will Follow » (« Libère ton esprit et ton cul suivra »).
Au milieu de cette orgie, George Clinton, dorénavant assis, est toujours vigilant. Il dirige ce beau monde d’une main de maître ne laissant place à aucune cacophonie. George Clinton est un chef d’orchestre, un chef de chœurs et peut-être le plus impressionnant manitou de la musique funk.
Il est tentant de résumer ainsi la carrière de Clinton : nébuleuse, faite de nombreux disques et concerts, et de différents groupes. Au collège, le musicien a débuté en chanteur de doo-wop, puis il a enregistré des albums, déjouant pour presque chaque parution les catégories commerciales et les attentes des maisons de disques et du public.
Faisant toujours preuve d’une liberté folle, il a su s’entourer des meilleurs musiciens et forger une multitude d’identités et de groupes : Parliament, reflétant son côté funk cuivré, Funkadelic, son penchant rock psychédélique, au moins pour les premiers albums, P-Funk all stars, réunion des deux formations sur scène et une galaxie de projets satellites qu’il parraine ou inspire, tels ceux du bassiste Bootsy Collins, de ses muses Brides of Funkenstein ou du tromboniste Fred Wesley. Une telle indépendance laisse pantois mais le foisonnement qu’elle crée donne parfois le tournis. Comment s’y retrouver dans une telle abondance de créativité ?
George Clinton est un chef d’orchestre, un chef de chœurs et peut-être le plus impressionnant manitou de la musique funk.
C’est précisément à cette question que Real Muzul tente de répondre avec son livre P-Funk, l’odyssée de George Clinton. Premier ouvrage francophone aussi exhaustif sur le sujet, le texte opte pour une approche chronologique, qui détaille chaque étape de la carrière du musicien, revient sur toutes ses formations et analyse avec précision les trajectoires de ceux qui l’ont accompagné. Au fil de la lecture, on découvre des anecdotes savoureuses, on dresse des connexions inattendues qui donnent un sens nouveau au paysage global de la musique funk des années 1970 et on en apprend sur le contexte politique et social des œuvres. À l’heure où les rééditions de disques côtoient les plateformes de streaming, le livre est un guide parfait pour explorer et découvrir les galaxies de George Clinton. Le voyage est fou et rien de mieux que de s’y embarquer avec en tête les informations nécessaires.