Le ministère de l’Intérieur sommé de garantir l’identification des forces de l’ordre

Ce 11 octobre, le Conseil d’État, plus haute juridiction de l’ordre administratif, ordonne dans une décision au ministère de l’Intérieur de rendre effectif et plus lisible le port du numéro d’identification des forces de l’ordre. Ce dernier a un an pour s’y conformer.

Maxime Sirvins  • 11 octobre 2023
Partager :
Le ministère de l’Intérieur sommé de garantir l’identification des forces de l’ordre
Gendarmes mobiles lors d'une manifestation contre la réforme des retraites, le 24 mars 2023 à Paris.
© Maxime Sirvins

Coup dur pour le ministère de l’Intérieur. Dans une décision, le Conseil d’État lui ordonne ce 11 octobre de faire respecter l’obligation pour les policiers et gendarmes de porter leur RIO (référentiel des identités et de l’organisation), un numéro à sept chiffres permettant leur identification. Ce dernier est en effet, trop souvent absent ou illisible. La haute juridiction enfonce le clou. « L’absence de port apparent du numéro d’immatriculation par les agents de police et de gendarmerie est répandue et ne se limite pas à des défaillances ponctuelles liées à des comportements individuels. », peut-on lire dans sa décision. En d’autres termes, le Conseil en dénonce le côté systémique.

L’absence de port ne se limite pas à des défaillances ponctuelles.

Le Conseil d’État

Cette décision est le résultat d’un long travail de plusieurs associations et ONG. « Après une fin de non-recevoir de la part du ministère de l’Intérieur, l’ACAT, la LDH et Jérôme Graefe de l’Observatoire parisien des libertés publiques, s’étaient tournés vers la justice en septembre 2022 pour que les forces de l’ordre soient mieux identifiées. », peut-on lire dans un communiqué de la LDH, paru ce mercredi en réaction à la décision. C’est dans une grande salle débordant de monde que le sujet avait été débattu vendredi 29 septembre, entre rapporteur public et avocats des associations. Pour le rapporteur public, le port du RIO, obligatoire depuis 2013, « est perçu comme une stigmatisation ».

« Imposer le RIO n’est pas imposer la divulgation de l’identité des agents »

Pour Maître Patrice Spinosi, la LDH, dont il est l’avocat, « ne cherche pas à remettre en cause le travail de la police ». Pour lui, « la recherche d’une amélioration de la visibilité du RIO va dans le sens de l’apaisement et des intérêts même des forces de l’ordre ». Alors que certains agents le cachent volontairement pour ne pas être reconnaissables par le public, Patrice Spinosi rappelle « qu’il est impossible pour un citoyen de rapprocher le RIO et l’identité d’un agent. Quand vous cherchez à dénoncer une violence policière, ce n’est pas en disant ‘Il est blond’ que vous serez capable d’aider les services d’identification. Le seul moyen, c’est le RIO ». La LDH rappelle « qu’aucune sanction disciplinaire n’a jamais été prononcée pour non-port du RIO », lequel est obligatoire depuis bientôt 10 ans.

Les dimensions actuelles de ce numéro d’identification sont inadaptées.

Le Conseil d’État

« De seulement 5 cm de long sur 1,2 cm de large », le RIO est aussi jugé trop petit par les associations. Une taille « illogique » pour la LDH, alors que « la Cour européenne des droits de l’Homme indique dans une jurisprudence que si le visage est couvert, il faut une obligation d’identification visible ». Or, pour la LDH, « s’il y a obligation d’identifier, alors il faut que le numéro soit plus gros ». Une volonté qui est aussi appuyée, à la grande satisfaction des associations, par le rapporteur public. Pour lui, en manifestation, les équipements masquent souvent le RIO et le ministère « doit s’y adapter ». Le rapporteur public propose, par exemple, un numéro inscrit de manière plus lisible sur le casque ou sur les gilets tactiques.

Beauvau a un an pour se conformer

Dans sa décision, le Conseil d’État valide donc les deux demandes des associations. Dans l’article 3, « il est enjoint au ministre de l’Intérieur et des outre-mer, dans un délai de douze mois, à prendre toutes mesures utiles pour y remédier », « y compris lorsque l’emplacement habituel du numéro d’identification est recouvert par des équipements de protection individuelle ». Dans ce même article, la haute juridiction ordonne de modifier la taille du RIO « de façon à en garantir une lisibilité suffisante pour le public dans l’ensemble des contextes opérationnels ».

Le Conseil d’État justifie ce point en affirmant que « les dimensions actuelles de ce numéro d’identification sont inadaptées, notamment lorsque les forces de l’ordre interviennent lors de rassemblements ou d’attroupements ». La LDH annonce « une victoire décisive » dans son communiqué. Dorénavant, ça sera RIO partout et plus gros. Comme aime le dire Emmanuel Macron, « c’est banco ! ».

Recevez Politis chez vous chaque semaine !
Abonnez-vous
Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don

Pour aller plus loin…

Au procès de Christophe Ruggia, la colère d’Adèle Haenel, « cette enfant que personne n’a protégée »
VSS 11 décembre 2024 abonné·es

Au procès de Christophe Ruggia, la colère d’Adèle Haenel, « cette enfant que personne n’a protégée »

Accusé par l’actrice de lui avoir fait subir des agressions sexuelles entre ses 12 et ses 15 ans, le réalisateur était jugé au tribunal correctionnel ces 9 et 10 décembre. Un procès sous haute tension qui n’a pas permis de rectifier les incohérences du prévenu. Cinq ans de prison dont deux ans ferme aménageables ont été requis.
Par Salomé Dionisi
À l’instar d’Utopia 56, la criminalisation de l’aide aux personnes exilées s’accentue
Solidarité 10 décembre 2024

À l’instar d’Utopia 56, la criminalisation de l’aide aux personnes exilées s’accentue

Alors que l’association d’aide aux personnes réfugiées est visée par trois enquêtes pénales portant sur ses actions à la frontière franco-britannique, deux rapports alertent sur la volonté de criminaliser les associations d’aides aux personnes exilées et leurs bénévoles.
Par Élise Leclercq
VSS, procès Pelicot… Qu’est-ce que la victimisation secondaire ?
Justice 29 novembre 2024 abonné·es

VSS, procès Pelicot… Qu’est-ce que la victimisation secondaire ?

Pour les victimes de violences sexistes et sexuelles, à la blessure des actes criminels s’ajoute parfois aussi celle infligée par les acteurs du système de justice pénale, comme l’illustre le procès des viols de Mazan.
Par Chloé Bergeret
Soulèvements de la Terre : le procès inédit de deux militants écologistes
Écologie 22 novembre 2024

Soulèvements de la Terre : le procès inédit de deux militants écologistes

Ce 22 novembre, Léna Lazare et Basile Dutertre étaient jugés pour ne pas s’être présentés à une commission d’enquête parlementaire créée après la manifestation de mars 2023 à Sainte-Soline. Dénonçant un « acharnement judiciaire », ils risquent de la prison avec sursis et de perdre leurs droits civiques.
Par Maxime Sirvins