Quatre mois après les émeutes, Borne ne jure que par la surenchère sécuritaire
La Première ministre a présenté le 26 octobre ses mesures devant plus de 200 maires concernés par les révoltes survenues après la mort de Nahel. Derrière la panoplie autoritaire, la question des violences policières a été soigneusement évitée.
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Villes : « Il y a un vrai problème d’ambition lié à l’orientation politique de ce gouvernement » « Le Repaire des contraires », le théâtre dans les citésIl y a des jours où le calendrier s’épaissit de dates symboliques. Ce 27 octobre 2023, cela fait dix-huit ans que Zyed Benna et Bouna Traoré sont morts. Le 27 octobre 2005, les deux jeunes de Clichy Sous-Bois perdaient la vie dans un transformateur électrique, après avoir été pourchassés par la police. Ce jour, aussi, quatre mois se sont écoulés depuis la mort de Nahel, 17 ans, tué à bout portant le 27 juin, à Nanterre, par un policier lors d’un contrôle routier. Des adolescents qui disparaissent sans que l’action des forces de l’ordre dans les quartiers populaires ne soit repensée par les gouvernements successifs. La veille de ces deux dates tragiques, un exemple flagrant de ce manque de courage politique a été fourni par la Première ministre, Élisabeth Borne.
Devant plus de 200 maires de villes touchées par les révoltes survenues après le décès de Nahel, la cheffe de l’exécutif a déroulé ses mesures en contournant consciencieusement le sujet qui avait pourtant soulevé dans les rues des milliers de personnes, et notamment des jeunes, partout en France. Il n’a pas été proposé de repenser le rapport entre la police et les habitants. Pas plus de supprimer l’article L435-1 du code de la sécurité intérieure qui agrandit le cadre de la légitime défense en cas de refus d’obtempérer. Encore moins de traiter frontalement, enfin, le racisme systémique dans la pratique policière.
Macron, répression !
La répression des jeunes délinquants, pour lequel pourra être envisagé « un encadrement par des militaires, qui pourront notamment transmettre des valeurs de discipline et de dépassement de soi ». Des mineurs émeutiers, qui devront s’acquitter d’une amende de 750 euros s’ils ne respectent pas un couvre-feu, contre 150 euros aujourd’hui. Des utilisateurs des réseaux sociaux, qui pourront être punis d’un « bannissement numérique » avec la suspension de leur compte « pendant six mois », s’ils « diffusent, incitent à la violence ou alimentent une compétition inacceptable entre les quartiers ». Des parents, que le gouvernement souhaite contraindre à réaliser des « stages de responsabilité parentale ou des peines de travaux d’intérêt général » quand ces derniers se « soustraient à leurs devoirs éducatifs ».
La responsabilité des parents dans la participation de leurs enfants aux émeutes avait été pointée du doigt par Emmanuel Macron dès cet été. « La république n’a pas vocation à se substituer [aux pères et mères de famille] », avait déclaré le chef de l’État, le 30 juin. Le lendemain, le garde des Sceaux, Éric Dupont-Moretti avait, de son côté, rappelé que « les parents qui ne s’intéressent pas à leurs gamins de 13, 14 ans, qui les laissent traîner la nuit encourent deux ans de prison ferme et 30 000 euros d’amende ».
Criminaliser les parents des classes populaires, jugés forcément coupables des agissements de leurs enfants ingouvernables.
Ce « stage de responsabilité parentale », aux contours très flous, s’inscrit dans cette continuité : criminaliser les parents des classes populaires, jugés forcément coupables des agissements de leurs enfants ingouvernables. En plus d’une condamnation morale sur l’incapacité des parents à maintenir leurs fils et leurs filles dans les rangs, l’exécutif souhaite s’attaquer aux porte-monnaie des familles : « Quand un mineur a causé des dégradations, nous allons nous assurer que les deux parents, qu’ils soient séparés ou non, qu’ils vivent avec leur enfant ou non, soient responsables financièrement des dommages causés. Personne ne doit pouvoir se dédouaner. Chacun est responsable devant la société », a martelé Élisabeth Borne.
La Première ministre a aussi annoncé la création d’une « force d’action républicaine », composée de policiers, de personnels éducatifs, judiciaire et liés à la politique de la ville. Elle sera déployée « d’ici à la fin de l’année » dans les communes de Besançon, Valence et Maubeuge. Les policiers municipaux, eux, verront leurs prérogatives s’agrandir en leur permettant d’accomplir « certains actes de police judiciaire », alors que la présence des forces de l’ordre sur la voie publique doit doubler d’ici à 2030, a rappelé Élisabeth Borne.
Toujours sur la réponse à apporter en direction des quartiers populaires, un comité interministériel des villes est organisé aujourd’hui à Chanteloup-les-Vignes, dans les Yvelines. Présidé par Matignon, il doit aborder les questions sociales liées à l’éducation, à la santé ou encore au logement. Et au racisme systémique dans les institutions ? On peut en douter.
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